Communiqué

Doit-on procéder à l’extinction de l’éclairage public ?

Pour ou contre l'extinction de l'éclairage public, l’AFE a demandé à ses Club Métropoles et Collectivités leur analyse en confinement. Avis des villes.

Le confinement du Covid-19 a réduit drastiquement les usages nocturnes. Il serait, alors, facile de penser que l’extinction des lumières la nuit ne nuirait qu’à peu de monde, permettrait des économies financières importantes et apporterait une protection de la faune/flore réelle et « intelligente ». Qu’en est-il réellement ? L’AFE a demandé aux membres de ses Club Métropoles et Club Collectivités leur analyse : doit-on procéder à l’extinction de l’éclairage public en période de confinement ? Voici l’avis des villes de France.


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La ville nocturne n’est pas si vide que ça

De nombreux professionnels utilisent encore l’espace public la nuit soit pour se rendre sur leur lieu de travail, soit simplement pour se déplacer : le personnel médical, les forces de sécurité, les livreurs, les agents des transports en commun, les agents des collectivités territoriales (les éboueurs, les agents de la police municipale, les agents d’astreintes…).

Toutes ces personnes, qui assurent des missions essentielles à la Nation, ont besoin de ce service public pour être rassurées et se déplacer en toute sécurité.

Pont de la Guillotière, Lyon, France – Concepteur lumière : Direction Éclairage Urbain, Ville de Lyon © Vincent Laganier

Le cas des « sans-abris » est également à prendre en compte : déjà menacés par le virus, l’extinction de l’éclairage public serait, pour eux, une source de vulnérabilité supplémentaire.

La situation globale est déjà très anxiogène pour ne pas ajouter davantage à l’inquiétude en créant des ambiances noires et incertaines.

 

Des économies d’énergie pas forcément rentables

En avril, les jours commencent à être réellement plus longs, les temps d’allumage de l’éclairage public plus courts et il est donc économiquement moins rentable « d’éteindre ».


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Exemple pour une ville dense

En éclairage public, la facture d’électricité se décompose en une part d’abonnement et une part de consommation. L’abonnement est lié à la puissance installée et est fixe, que l’on consomme de l’électricité ou pas.

L’extinction de l’éclairage ne joue donc que sur la part de consommation qui représente, selon les contrats, entre 30 % et 50 % du montant total de la facture.

Eclairage public de Nantes Métropole, depuis la tour de Bretagne, France © Nantes Métropole, Patrick Garçon

Le réseau d’éclairage est constitué de plusieurs armoires d’alimentation qui desservent chacune quelques dizaines de luminaires. Chaque armoire dispose d’un contrat de fourniture d’électricité.

En ce moment, l’éclairage public est allumé en moyenne 10 heures par nuit. Le coût moyen de l’électricité (hors abonnement) consommée par une armoire d’alimentation est de l’ordre de 5 € par nuit en fourchette
haute, soit une estimation à 0,5 € par heure d’allumage en avril.

Ville de Toulouse, France – Eclairage public – Photo : Patrice Nin / Ville de Toulouse

Pour éteindre l’éclairage pendant une partie de la nuit, il est impératif au préalable de modifier techniquement les installations actuelles qui, dans la plupart des villes de France, ne sont pas conçues pour être modifiables
« à l’heure » (actuellement, l’éclairage public s’allume souvent suivant un calendrier astronomique préréglé pour gagner en fiabilité et en simplicité de gestion).

Il faudrait alors ajouter une horloge dans chacune des armoires d’alimentation selon les cas pour permettre cette extinction temporaire. Sur les installations équipées d’horloges astronomiques programmables, des horaires d’extinction particuliers peuvent être mis en place, par circuit d’installation à l’armoire de commande (horloge équipée de 2 ou 3 contacts à fermeture) ou sur la totalité de l’armoire sans ajout d’horloge supplémentaire.

Transport en commun en site propre, axe Nord-Sud, Nîmes, France – Conception lumière et photo : Côté Lumière

Dans tous les cas (modification de programmation ou ajout d’horloge), des travaux de modification de câblage (voire de pose de câbles supplémentaires) seront nécessaires afin de différencier les secteurs à laisser en service et à éteindre. Cela peut être le cas si une voie principale en entrée de ville (giratoire, …) est alimentée en même temps qu’un lotissement et que le Maire souhaite laisser cette entrée de ville éclairée.

 

L’investissement pour cette modification est estimé à 200 €/armoire, en prenant en compte la modification pendant le confinement ainsi que celle permettant le retour à la normale. Le scénario proposé d’extinction de minuit à 6 h du matin ne serait donc pas amorti avant au moins deux
mois, et le gain resterait faible. En outre, ces interventions exposeraient des techniciens aux risques sanitaires en les faisant intervenir sur
le terrain.

Place de la Liberté, Brest – Conception lumière : Soizick Bihen © Comatelec Schreder

Certaines villes, comme Grenoble ont inclus dans leur programme de renouvellement un abaissement de puissance entre 22 h et 6 h du matin permettant de réduire entre 30 % et 50 % la consommation énergétique sur cette période. D’autres, comme certaines communes de Brest Métropole ou Nantes Métropoles, pratiquent déjà la coupure en milieu de nuit.

Sans rentrer dans les détails techniques, le matériel d’éclairage est conçu pour fonctionner en continu pendant des nuits entières. Doubler le nombre d’extinctions et d’allumages engendre un vieillissement prématuré de plusieurs composants et double les plages de surconsommation à froid.

 


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Impact de la lumière artificielle sur la faune et flore est faible en cœur de nuit

Si 30 % des vertébrés et 60 % des invertébrés vivent totalement ou partiellement la nuit, le pic de leur activité se situe principalement aux premières heures de la nuit et à l’aube. C’est-à-dire qu’il coïncide avec la demande d’éclairage artificiel pour l’être humain.

Couper l’éclairage public au cœur de nuit ne peut donc pas être justifié par une volonté de protection des êtres vivants nocturnes et risque en revanche de perturber les personnes qui doivent encore aujourd’hui continuer leur activité professionnelle.

Passerelle de la Paix, Lyon – Dietmar Feichtinger Architectes et Schlaich Bergermann Partner – Conception lumière Direction éclairage public – Photo Michael Zimmermann

Une réflexion sur l’aménagement urbain, au-delà de la période de confinement, avec la mise en place de trames sombres est la piste à privilégier afin de garantir l’équilibre entre préservation de la biodiversité, la réduction des nuisances lumineuses et réponse aux besoins humains.

 

Vers une extinction totale ?

L’article L2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales donne au Maire d’une commune le pouvoir de police, lequel comprend notamment l’éclairage. Il lui appartient, en connaissance de cause, de décider si les espaces publics et les espaces privés ouverts à la circulation publique dont il pourrait avoir la gestion (notamment les parcs et jardins), doivent être éclairés ou non.

Eclairage public, Nice, France – Front de mer et le port © Vincent Laganier

Ainsi, un maire peut décider, par arrêté municipal, l’extinction, pendant tout ou partie de la nuit, de l’ensemble de l’éclairage public ou d’une partie des voies. Il doit, pour cela, le signaler explicitement pour que les usagers ne soient pas surpris et ne se mettent pas en danger. Cette règle vaut également en période de confinement.

 

 

Mais si la question se pose aujourd’hui en ces termes, une réflexion collective plus approfondie mérite d’être menée pour ces communes ?

Et c’est au Maire et à son Conseil Municipal de trouver le meilleur compromis à long terme entre la sécurité des déplacements, le confort des usagers, la protection de la vie nocturne et les contraintes économiques.

Boulevard de Ménilmontant la nuit, Paris, France – éclairage public et parking vélo © Vincent Laganier

Éclairer juste n’est pas juste éclairer. Concilier toutes ces contraintes ne se règle pas avec des positions dogmatiques mais nécessite une analyse pertinente et objective des besoins avant de faire le meilleur choix.

S’il s’agit de fournir de la lumière, il est impératif de concevoir correctement l’installation en termes de quantité et de qualité de lumière, de technologie et de pilotage pour répondre à toutes les contraintes.

Conclusion

  • Éteindre apportera assurément une inquiétude supplémentaire chez les personnes devant encore circuler la nuit comme pour celles qui doivent rester confinées chez elles.
  • Éteindre sur un ou deux mois, avec les nuits les plus courtes de l’année (en mai, juin, juillet), n’est pas rentable économiquement, les installations n’étant pas conçues pour cela.
  • Éteindre n’aura pas d’impact sensible sur la faune et la flore sur une si courte période.

Il est nécessaire d’être particulièrement prudent avant de supprimer un service public et d’avoir au préalable fait une analyse exhaustive des enjeux et des sujétions associées. L’éclairage public est un bien public qui répond aux besoins visuels de l’homme dans sa mobilité nocturne.

La technologie LED et les systèmes de gestion (autorisant la détection de forme par intelligence embarquée par exemple), mus par la volonté d’efficience énergétique, sont aujourd’hui suffisamment matures pour être démocratisés. Ils offrent des solutions d’éclairage adaptées aux besoins, dans l’espace et dans le temps.

Éclairer juste c’est éclairer efficacement là où il faut et quand il le faut. Et éclairer efficacement, c’est répondre aux besoins de chacun tout en prenant en compte la protection de l’environnement et les contraintes financières.

 

Auteurs

Ce avis a été initié par Joël Lavergne (Toulouse), animateur du Club Métropoles de l’AFE.

Ont collaboré à sa rédaction :

  • Pierre Albrecht (Strasbourg),
  • Roger Couillet (Douai),
  • Christophe Demesmay (Besançon),
  • Patrick Duguet (Paris),
  • Bruno Foucras, Olivier Curto (Grenoble),
  • Dany Joly (Nantes),
  • Christophe Labro (Toulouse),
  • Ghislain Luneau (Bordeaux),
  • Caroline Marcillou (Toulouse),
  • Thierry Marsick (Lyon),
  • David Moizan (Rennes),
  • David Moras (Toulouse),
  • Damien Morineaux (Lille),
  • Saïg Potard (Brest),
  • Teddy Tisba (Paris).

 

Approfondir le sujet

Communiqué de l’AFE « Doit-on procéder à l’extinction de l’éclairage public en période de confinement » du 20 avril 2020

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Lieu

  • Association Française de l'éclairage - AFE
  • Paris, France

Équipe du projet

Association AFE Club Métropoles Club Collectivités
Maîtrise d'ouvrage Pierre Albrecht Ville de Strasbourg Roger Couillet Ville de Douai Christophe Demesmay Ville de Besançon Bruno Foucras Olivier Curto Ville de Grenoble Dany Joly Ville de Nantes Joël Lavergne Christophe Labro Caroline Marcillou David Moras Ville de Toulouse Ghislain Luneau Ville de Bordeaux Thierry Marsick Ville de Lyon David Moizan Ville de Rennes Damien Morineaux Ville de Lille Saïg Potard Ville de Brest Patrick Duguet Teddy Tisba Ville de Paris

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Sujets Ville Métropole Économie d'énergie Lumière artificielle Biodiversité Commune Technologie LED
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  • Concepteur lumière implanté en milieu rural, je suis de près plusieurs communes (entre 300 et 1500 hab.) qui pratique l’extinction depuis quelques années (entre 2 et 5 ans) près de chez moi. Ce sont des villages souvent isolés (qui ne sont pas traversés par des grands axes).

    De ce que je peux constater et vous faire partager :
    En règle générale, la démarche est plutôt bien acceptée et comprise. Néanmoins, lors des dernières municipales, la question du rallumages est devenue un enjeu, (avec des arguments très variés que je vous épargne).
    Le seul point négatif notable lors de l’extinction totale en milieu de nuit c’est la forte augmentation du nombre de chats écrasés…

    On doit distinguer 2 types de secteur, ceux où les habitants peuvent rentrer chez eux avec leur voiture (ou ont un emplacement privatif juste devant) et ceux ou l’emplacement de stationnement oblige un trajet à pied, même cours.

    Dans le premier cas (zones résidentielles), on constate un net développement d’éclairage priver (beaucoup en détection et avec du matériel en général très extensif et très mal orienté).

    Pour les seconds (centre ancien, etc.), là, quasi tout le monde a été confronté (à minima 2, 3 fois/an) à l’obscurité, (même les lève et couche tôt) : lors, par exemple de rentrées de vacances au milieu de la nuit, d’un repas qui a durée un peu tard avec des amis qu’il faut raccompagner à leur véhicule, etc.
    Pour eux, la conséquence de l’extinction à moyen terme, fait qu’ils se sont tous équipés de lampe de poche (2, une à la maison et une dans leur voiture).
    En faisant un calcul rapide, les économies engendrées par une extinction doivent tournées autour de 5 ou 6 €/an/habitant. Cela équivaut au budget piles des lampes de poche. (D’où pas vraiment d’économie, mais un transfère d’élec. réseau en consommation de pile ce qui n’est pas une avancé sur un point de vu écologique).

    Pour ma part, je préconise systématiquement aux communes d’utiliser de la bi-puissance avec des palliés pouvant descendre en milieu de nuit à 20% voir 10% du flux initial. Le principe est de garantir à minima une illumination de pleine Lune toutes les nuits. Si il n’y a pas le budget pour un passage en led, on peut graduer le sodium à 50% de son flux en changeant uniquement et à moindre frais les ballasts. L’extinction totale peut fonctionner pour les lotissements isolés, mais il doit être souhaité par la population et il faudra suivre de près que les éclairages privés ne produisent pas plus de gêne que l’EP.

  • Bonjour,

    En tant que directrice générale de l’AFE, je suis surprise par le titre et le chapeau de cet article : l’AFE n’ai pas contre l’extinction. Jamais ! Le titre exact de cette communication AFE d’avril dernier est « Doit-on procéder à l’extinction de l’éclairage public EN PERIODE DE CONFINEMENT ». Le contexte est important. Le questionnement avait du sens !
    Il ne faut pas tronquer le titre pour ne pas tromper le lecteur. Merci.

    • @Marie-Pierre Merci pour cette remarque pertinente. Le moment de la rédaction « en confinement » est pourtant bien précisé dans la phrase d’accroche en dessous.

      Pour infos, le titre du communiqué de l’AFE n’est pas au gabarit du Web. Il fait 79 caractères espaces compris. Sur Internet, il doit faire 60 caractères maximum. D’un point de vue technique, voici ce qui explique son raccourcissement…

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