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Extinction nocturne en éclairage public : à tort ou à raison ?

Éclairage public et extinction nocturne. Est-ce réalisé à tort ou à raison ? Étude de l’impact des coûts : énergie, rénovation, gradation.
31 janvier 2023

 

Comme toute profession, l’éclairage voit passer des courants de mode. La dernière est-elle pourtant la bonne tendance ? La massification de l’extinction nocturne ne nous conduit-elle pas à repousser aux calendes grecques les projets de rénovation en LED ? Ne serions-nous pas en train de nous priver d’éclairage public pour finalement payer plus cher ?

Cet article propose une étude objective et réaliste de l’impact de la mise en place d’une coupure nocturne de l’éclairage public tout en l’associant avec une rénovation par un éclairage à LED. Le tout dans un contexte d’inflation des coûts énergétiques. Nous prendrons tout de même le soin de bien expliquer les composantes et spécificités des coûts de l’énergie en éclairage public.

Norme NF EN 13201 en éclairage public

NF EN 13201-1

NF EN 13201-2

NF EN 13201-3

NF EN 13201-4

NF EN 13201-5

1 : sélection des classes d’éclairage (Fascicule de documentation)

2 : exigences de performance

3 : calcul des performances

4 : méthodes de mesure des performances photométriques

5 : indicateurs de performance énergétique

Évolution rapide du prix de l’énergie sur les marchés financiers

En plein contexte d’inflation des coûts de l’énergie, l’éclairage, notamment public, a été visé. L’éclairage, ça se voit ! Et il est vrai qu’au fur et à mesure de l’avancée de la nuit, le coût par « usager » devient de plus en plus élevé. Il s’agit, sous-entendu, d’un conducteur ou d’un piéton. Le réflexe naturel est de couper les installations d’éclairage public. Les détracteurs ont alors la parade : la gradation des installations, les faire varier en fonction du besoin.

À partir de l’automne, une massification des extinctions nocturnes s’est amplifiée. Dans les entreprises du secteur, elle s’est traduite par des demandes de devis pour réaliser des coupures nocturnes. Cette installation soudaine a presque toujours un coût :

  • fourniture et pose du matériel (souvent une horloge),
  • réglage d’une horloge existante ou d’un autre système,
  • mise en place des panneaux d’affichage,
  • autres démarches réglementaires.
Évolution du prix de l’énergie sur le marché de gros – de janvier 2020 à janvier 2023, prix de l’électricité © Epex Spot France

Le pic de fin août 2022 est d’environ 743 €/MWh. Un mégawattheure (MWh) équivaut à 1 000 kWh.

Extinction d’une armoire de commande en éclairage public, étude des coûts

L’étude proposée ci-après est basée sur une installation réelle comme il en existe encore tant.

Données de base de l’étude

  • Une armoire de commande.
  • Trois départs :
    • 10 points lumineux par départ, soit 30 ouvrages au total,
    • 25 points lumineux en sodium haute pression, SHP 100 W,
    • 5 points lumineux en LED 50 W. Ils ont été rénovés de manière épisodique en actions de maintenance notamment. Ces points étaient en 100 SHP W auparavant,
    • soit au total 2 750 W installés.
  • Un compteur d’énergie.
  • Un abonnement de 9 kVA dimensionné aux besoins de l’époque sans jamais avoir été retouché (kVA pour kilovoltampère).
  • Des rues assez fréquentées en début de soirée, puis épisodiquement à partir de 23 h. Reprise significative du trafic aux alentours de 6 h du matin.

 

Ici, aucune coupure, l’armoire dessert 30 points lumineux, ce qui est assez conséquent.

  • Hypothèse : 4 100 heures d’allumage par an.
  • Soit 11 275 kWh/an.
  • Base du kWh : 0,20 € TTC par an.
  • Par heure de fonctionnement : 0,55 € TTC.
  • D’où un coût énergétique d’environ 2 255 € TTC/an.

Données après mise en place de la coupure nocturne de 23 h à 6 h, tous les jours

  • Hypothèse : 1 545 heures d’allumage par an.
  • Soit 4 249 kWh/an.
  • Base du kWh : 0,20 € TTC par an.
  • Par heure de fonctionnement : 0,55 € TTC.
  • D’où un coût énergétique d’environ 850 € TTC/an. Quelques travaux pour réaliser la coupure : fourniture et pose d’une horloge adéquate, changement du contacteur, soit environ 500 € TTC.
Exemple de panneau indiquant la mise en place de la coupure de l’éclairage public, un affichage à financer © Sarese 

Bilan de l’extinction nocturne

  • 1er constat : par an, la différence est de 1 400 € TTC en matière de consommation, mais de 900 € TTC par an après installation du matériel dédié à la coupure.
  • 2e constat : par heure de fonctionnement, le coût énergétique est identique avec ou sans la pratique de l’extinction nocturne.

Rénovation en éclairage public, est-elle vertueuse ?

Réduire la durée d’éclairage représente encore un coût non négligeable. Le matériel énergivore, tant qu’il brillera, coûtera toujours de plus en plus cher, tant sur le plan énergétique que sur le plan de l’exploitation et de la maintenance.

Rénover les installations pourrait alors être une alternative qui permettrait de conserver le service lumineux. Étudions alors cette approche, chiffres à l’appui.

Données après rénovation des installations en LED et sans coupure

  • Une armoire de commande.
  • Trois départs :
    • 10 points lumineux par départ, soit 30 ouvrages au total,
    • 30 points lumineux en LED 50 W,
    • soit au total 1 500 W.
  • Un compteur d’énergie.
  • Un abonnement de 2 kVA dimensionné aux besoins d’aujourd’hui.

Les résultats de calculs sont :

  • Hypothèse : 4 100 heures d’allumage par an.
  • Soit 6 150 kWh/an.
  • Base du kWh : 0,20 € TTC par an.
  • Par heure de fonctionnement : 0,30 € TTC.
  • Soit un coût énergétique d’environ 1 230 € TTC/an.

Rappelons que la LED s’avère un passage obligé dans le futur. Il faut bien entendu financer son investissement. Les temps de retour sont très courts lorsque plusieurs paramètres sont réunis :

  • étude photométrique optimisée,
  • gradation optimisée,
  • pas d’extinction nocturne,
  • obtention de certificats d’économie d’énergie – CEE,
  • ajustement des abonnements énergétiques,
  • baisse des coûts de maintenance et d’exploitation.

Bilan de la rénovation des installations en LED

  • 1er constat : après cette rénovation en LED, la différence est de 1 025 € TTC par an en matière de consommation. Plus la durée d’allumage de l’éclairage sera importante, plus le temps de retour de l’investissement « passage en LED » sera court.
  • 2e constat : par heure, le coût de fonctionnement est presque de moitié inférieur en LED.

Gradation en éclairage public, le fin du fin ?

Afin d’accroître encore le bilan tout en maintenant le service lumineux toute l’année, il est bien entendu possible de grader les installations à la guise. Rappelons que la gradation s’encadre par la norme NF EN 13 201, avec notamment la définition de « profil nocturne » optimisé et adapté aux usages.

Éclairage public, exemple de profil nocturne avec abaissement entre 23 h et 6 h © Sarese

Données après rénovation des installations en LED et mise en place de la gradation

  • Une armoire de commande.
  • Trois départs :
    • 30 points lumineux par départ, soit 30 ouvrages au total,
    • 30 points lumineux en LED 50 W,
    • soit au total 1 500 W installés.
  • Un compteur d’énergie.
  • Un abonnement de 2 kVA dimensionné aux besoins d’aujourd’hui.
  • Gradation de 50 % pendant 7 heures par nuit, de 23 h à 6 h.
Exemple d’un scénario de variation de flux émis et économies d’énergie correspondantes © Comatelec Schréder
  • Hypothèse de 4 100 heures d’allumage par an.
    • 1 545 heures en plein régime.
    • 2 555 heures en mode « gradation ».
  • Soit 2 317 kWh/an en mode « plein régime ».
    • Base du kWh : 0,20 € TTC par an.
    • Par heure de fonctionnement : 0,30 € TTC.
    • Soit un coût énergétique d’environ 463 € TTC/an
  • Soit 1 916 kWh/an en mode « gradation ».
    • Base du kWh : 0,20 € TTC par an.
    • Par heure de fonctionnement : 0,15 € TTC.
    • Soit un coût énergétique d’environ 383 € TTC/an.

Bilan de la gradation de l’éclairage public

Coût total par an : 846 € TTC/an, soit autant que le scénario « classique sans coupure » sans rénovation des luminaires.

 

Tableaux de comparaison de l’étude en éclairage public

Coût toutes taxes comprises par heure de fonctionnement en euros – Tableau de comparaison de l’étude en éclairage public © Sarese
Coût toutes taxes comprises par année de fonctionnement en euros – Tableau de comparaison de l’étude en éclairage public © Sarese

Importance capitale de l’abonnement en électricité

Avec un coût aujourd’hui d’environ 123 € HT par kVA et par année (au 1er février 2022, tarif réglementé), le coût de l’abonnement annuel ne cesse de croître. À titre de comparaison, un abonnement de 6 kVA domestique représente un coût annuel d’environ 115 € HT. Le même abonnement en éclairage public est d’environ 740 € HT.

Il est aujourd’hui d’une importance capitale de régulariser la puissance des abonnements fréquemment, notamment en pleine période de rénovation massive des installations d’éclairage. Souvent, les abonnements n’ont pas été assez régularisés, même lors des transitions « ballon fluo vers sodium ».

Dans notre exemple, le scénario classique sous-entend un coût annuel d’abonnement de 1 109 € HT par année, alors qu’avec le scénario LED, le coût n’est que de 246 € HT par année. L’abonnement passe de 9 à 2 kVA.

Le coût réel de l’énergie est donc sous forte dépendance du coût de l’abonnement. Indirectement, le coût du kWh en dépend.

Coût réel hors taxes par kilowattheure en euros – Tableau de comparaison de l’étude en éclairage public © Sarese

À titre indicatif, avec un abonnement non révisé restant à 9 kVA avec le scénario LED, le coût réel du kWh serait de 0,29 € HT par année de fonctionnement.

Par heure de fonctionnement, le poids de l’abonnement est bien entendu de plus en plus important en fonction du nombre d’heures d’allumage.

  • À noter : même si une révision de l’abonnement s’opérait avec le scénario classique, le coût par heure serait toujours au plus du double de celui du scénario LED.

L’abonnement a donc une importance inégale en fonction de la typologie d’installation et du nombre d’heures de fonctionnement.

Part de l’abonnement dans le coût énergétique total en pourcentage – Tableau de comparaison de l’étude en éclairage public © Sarese

À titre indicatif, voici la méthode de calcul de l’ajustement de l’abonnement « éclairage public » avec un compteur communicant type Linky selon Enedis.

Selon la loi, rappelons qu’il est possible de souscrire un abonnement à 0,1 kVA en éclairage public.

Voici concrètement l’impact :

kVA € HT par année
2 246,00 €
2,1 258,30 €
2,2 270,60 €
2,3 282,90 €
2,4 295,20 €
2,5 307,50 €
2,6 319,80 €
2,7 332,10 €
2,8 344,40 €
2,9 356,70 €
3 369,00 €

 

À noter : la Commission de régulation de l’énergie – CRE – vient d’adresser au Gouvernement sa proposition d’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité au 1er février 2023.Le coût du kVA en € HT par an (en éclairage public) étant projeté à plus de 145 €.

La seule régularisation de l’abonnement en éclairage public aurait-elle suffi à compenser la hausse du prix de l’énergie ?

Norme NF EN 13201 en éclairage public

NF EN 13201-1

NF EN 13201-2

NF EN 13201-3

NF EN 13201-4

NF EN 13201-5

1 : sélection des classes d’éclairage (Fascicule de documentation)

2 : exigences de performance

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Directeur général de Société Architecture Réseaux SARESE, cabinet d’ingénierie en réseaux secs spécialisé en éclairage extérieur, fondé en 1993. Directeur général de l’IFEP (Institut de Formation Éclairage Professionnel), leader français de la formation aux techniques de la lumière et de l’éclairage. Expert AFNOR de la Commission U17 et membre du groupe de travail de l’AFE en Commission X90X. Praticien et passionné d’éclairage extérieur, il est auteur de deux livres aux éditions Light ZOOM Lumière : 25 questions pour mieux comprendre l’arrêté nuisances lumineuses en 2020, Éclairage des passages pour piétons en 2021.
  • Éclairage extérieur coupures nocturnes … Bravo pour votre analyse précise, c’est exactement ma pensée. Suite à un article sur le journal « La Montagne » j’ai précisé qu’il n’était pas nécessaire d’avoir investi dans la technologie « LED » et la gestion de l’éclairage pour faire du « tout ou rien »…
    Le manque de compétences de nombreux élus et de la maitrise d’ouvrage publique se confirme tous les jours malheureusement.
    Cordialement

  • Votre article est intéressant. Les fournisseurs devraient eux-mêmes proposer aux clients d’adapter l’abonnement en fonction de leur consommation.

    Cependant le sujet ne se résume pas seulement aux coûts.

    Il y a aussi la quantité d’énergie consommée sur tout le cycle. Fabrication, installation, utilisation, démontage, recyclage.

    Il y a surtout, la limitation des pollutions lumineuses et la prise en compte de la vie sauvage nocturne.

    Nous ne défendons pas la nature. Nous sommes la nature qui se défend.

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