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L’éclairage public participe-t-il moins à la pollution lumineuse

Synthèse sur la pollution lumineuse en éclairage public. De Paris à l'étude déclassifiée de la seconde Guerre Mondiale, d'Annecy à la ville de Tucson, USA.


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L’éclairage public et ses candélabres contribueraient pour moins de 20% à la pollution du ciel nocturne. C’est ce que démontre la dernière et très sérieuse étude Germano-Américaine sur la ville de Tucson, Arizona, USA. Elle a été menée par le GFZ Postadam (Kyba-Kuechly-Ruby)/Barantine. Cependant, ce faible pourcentage, scientifiquement calculé, ne doit surtout pas nous aveugler sur les enjeux et responsabilités. Explorons ensemble quelques éléments de réponse sur la pollution lumineuse en éclairage public et privé.

Pollution lumineuse, un sujet et une documentation complexe

En premier lieu, la quantification et la répartition des responsabilités dans l’éclairage artificiel de la voute céleste est un sujet grandement complexe dont la documentation au niveau Scientifique est en plein essor. La raison est peut-être due à :

  • l’échelle de diffusion de la lumière (plusieurs dizaines de km),
  • la multiplicité des responsabilités se combinant,
  • la complexité de collecte de données d’études.

Pour exemple, lorsque l’on compare la capacité de finesse d’analyse des polluants de l’air et une carte de la pollution lumineuse, l’on se dit qu’il y a beaucoup de chemin à rattraper en terme de granularité des mesures.

Pollution lumineuse de l'éclairage public à Paris, France - extrait du World Atlas 2015
Carte mondiale de la pollution lumineuse de l’éclairage public, World Atlas 2015 – Paris, France © Lightpollutionmap.info © Microsoft Corporation 2021 © 2021 TomTom
Carte de la qualité de l’air de Paris – QualiteAirParis © OpenStreetMap contributors, Map layer by Esri – Ville de Paris

Étude déclassifiée de la seconde Guerre Mondiale

Étonnement, l’une des plus anciennes études se trouve dans ce rapport récemment déclassifié issue de la seconde Guerre Mondiale (en page 1 du Syllabus).

En 1943, l’Armée américaine cherchait à identifier les raisons de la luminance artificielle du ciel. Pourquoi ? Elle permettait aux sous-marins ennemis de repérer plus facilement les ombres des navires au large des côtes illuminées.

 


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À Point Pleasant (NJ) et Jaksonville Beach (FLA) deux villes de la cote est des USA, l’armée avait donc étudié la pollution lumineuse grandeur nature. Elle avait allumé et éteint successivement les différentes sources de lumière : éclairage public, domestique, industriel vital (militaire) et secondaire. Objectif : mesurer depuis le sol (et plus précisément en mer), la part imputable de « pollution lumineuse » de chaque typologie.

Etude militaire déclassifiée sur la pollution lumineuse et l'éclairage public de la Seconde Guerre Mondiale
Étude militaire déclassifiée sur la Seconde Guerre Mondiale sur la pollution lumineuse et l’éclairage public, extrait © War Department, The Engineer Board, US Army, April 30, 1943

Méthode basique mais efficace. Seule l’armée était capable de mobiliser suffisamment d’hommes pour gérer et faire respecter les allumages/extinctions. La participation de l’éclairage public à l’illumination de la voute céleste fut alors établie à 53%. Elle généra les premières prescriptions « de bon sens » et qui restent toujours d’actualités (limitation des flux perdus, éclairage lorsque nécessaire…).

Pollution lumineuse et éclairage, vues depuis le ciel

La prise d’altitude et les avancées technologiques ont permis une lecture plus fine des territoires nocturnes.  C’est le cas de l’orthophotographie nocturne et de l’image satellite, même si l’on reste encore limité à la résolution de 0,5 mètres/pixel en imagerie diurne. Or, sans la capacité d’allumage/extinction à grande échelle, difficile de fournir des chiffres précisément imputables à l’une ou l’autre part. Il faut donc se résoudre à des recoupements de données et des modélisations tels que ceux initiés par Garstang en 1986. Mais, elles sont cependant largement soumises à l’hétérogénéité de l’environnement urbain et ses sources multifactorielles.

Actuellement, il existe deux grandes méthodes de mesures de la pollution lumineuse.

Analyse des données satellitaires brutes

Premièrement, l’analyse des données satellitaires brutes. Elles souffrent de plusieurs limitations technologique pour le moment.

  • La sensibilité des capteurs ne permet pas l’étude sur le spectre lumineux complet. Il élude une grande partie des radiations bleues se situant en dessous de 500 nm. Elles sont, en outre, les plus impliquées dans le phénomène de halo lumineux.
  • Le champ de vision/mesure d’une image satellitaire est prise à nadir c’est à dire qu’il ne perçoit que les flux et réflexions remontant directement vers lui. De fait, il est incapable de quantifier les rayonnements latéraux qui participent pourtant grandement au halo par effet d’accumulation.
  • Les heures de passage du satellite et les conditions météorologiques et lunaires peuvent très fortement affecter la pertinence des résultats.
  • L’incapacité à identifier et isoler la nature des différentes composantes du halo.

Méthodologie du bureau d’étude DarkSkyLab

Deuxièmement, une méthodologie proposée par le bureau d’étude DarkSkyLab, assurant le croisement de données satellitaires, de géoréférencements et recoupements visuels in situ. Objectif : modéliser et recréer les composantes de formation du halo lumineux pour pouvoir ensuite l’exploiter plus finement car retranscrivant mieux les effets « vus du sol ».

Contribution du mobilier urbain éclairé a la pollution lumineuse – Ville de Paris © Philippe Deverchère, Sébastien Vauclair, Michel Bonavitacola, DarkSkyLab

C’est sur cette méthodologie que la ville de Paris avait étudié en 2018 ses domanialités éclairage public/privé, permettant de définir à 35 % la part imputable à son éclairage public ( hors signalétique et mobilier de service, comme les abribus principalement). Mais d’autres études dans d’autres villes portèrent des résultats différents (Rekjavick 50% (2006) – Vienne 33% (2017)).

Ce croisement de données aériennes à haute résolution et d’observations directes au sol a également permis une analyse fine du territoire du Grand Annecy. Elle identifie le statut souvent privé des points les plus perturbants : éclairage publicitaires et sportifs. Cependant, sans pouvoir en chiffrer rigoureusement les proportions respectives dans la fabrication du halo.

Orthophotographie nocturne de l'éclairage public - centre-historique Annecy
Orthophotographie nocturne de l’éclairage public – centre-historique Annecy – 21-22 novembre 2017 © Grand Annecy – Syane – Annecy, OpenStreetMap
Orthophotographie nocturne – analyse au sol des nuisances lumineuses – Annecy 2017 © Grand Annecy – Syane – Annecy

Parmi les dernières avancées sur le sujet, l’on peut noter le principe de visualisation superposant une carte de prédiction de qualité du ciel produite par Otus (Logiciel développé par DarkSkyLab qui permet de modéliser la pollution lumineuse produit par l’éclairage public sur un territoire) et une couche d’openStreetMap qui contient la géolocalisation des sources lumineuses utilisées pour alimenter le modèle de simulation.

Étude de la pollution lumineuse à Tucson, USA

L’étude de la pollution lumineuse de la ville de Tucson a été conduite par les chercheurs de GFZ GeoForschungsZentrum Potsdam, Helmholtz Centrer et DarkSkyLab. Ces scientifiques ont pu profiter du pilotage dynamique de l’éclairage extérieur et de la prise de mesure du satellite SUOMI NPP (à qui l’on doit la célèbre carte de la terre de nuit). En effet, la quasi totalité des sources d’éclairage public de la ville sont gradable. 14000 points lumineux sur les 19500 que compte la ville.

Globe terrestre et ville lumière nocturne en Afrique – Photo : NASA

Sur plusieurs nuits. À différents horaires. Avec des intensités de fonctionnement à 30% et 100% de leur puissance nominale (amusante anecdote à la fin de l’article). L’équipe de recherche a pu corréler les résultats. Ainsi, ils ont calculé que la part imputable directement à l’éclairage public était d’environ 20%. Elle intègre même une part du parc d’éclairage non géré par la municipalité.

Selon différents cas de figure étudies (intégration ou non du parc privé de parkings, prise en compte des extinctions ponctuelles, extrapolation sur la portion de parc ne pouvant etre gradué (5500 sur les 19500 que compte le parc luminaires « DarkSky » de la ville), les proportions pouvait même tomber à 13%, et c’est une bonne nouvelle.

Étude de la pollution lumineuse de la ville de Tucson, Arizona, USA – extrait 1 © 2020, GFZ Postadam (Kyba-Kuechly-Ruby)Barantine
Étude de la pollution lumineuse de la ville de Tucson, Arizona, USA – extrait 2 © 2020, GFZ Postadam (Kyba-Kuechly-Ruby)Barantine

Ressources : 1. Kyba C, Ruby A, Kuechly H, et al. Direct measurement of the contribution of street lighting to satellite observations of nighttime light emissions from urban areas. Lighting Research & Technology. October 2020. doi:10.1177/1477153520958463

Mais, si la méthodologie scientifique et les mesures sont précisément documentées dans ce rapport, ce chiffre étonnamment bas pour l’éclairage public ne doit SURTOUT PAS nous aveugler. Car nous laisser penser que les responsables sont plus imputables « aux autres » serait prématuré. Et ce pour deux raisons principales à suivre.

 


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Tucson, une ville pionnière en éclairage public

Tucson, ce n’est pas n’importe quelle ville aux États-Unis. Il s’agit d’une ville pionnière en matière d’éclairage public. Nous ne pouvons pas transposer ce chiffre dans nos référentiels français !

En 1972, Tuscon fut la seconde ville au monde (après sa voisine Flagstaff, chère à James Turrell pour son volcan le Roden Crater) à mettre en place une régulation de son éclairage public. La raison est simple : Tuscon est à moins de 50 km de l’un des plus grands centres d’astronomie mondial, le réseau d’observatoires de Kitt Peak.

Observatoire astronomique de Kitt Peak, Tuscon, Arizona, USA – vue des dômes © Dietlinde DuPlessis, AdobeStock

Ainsi, depuis plus de 40 ans, les appareils d’éclairage public de la ville ont successivement été remplacés par des dispositifs aux caractéristiques et photométries strictes « DarkSky ». C’est donc une ville quasi intégralement équipée de luminaires à hautes performances et à forts contrôles des flux perdus. Autant dire que peu de villes françaises peuvent rivaliser avec cette cohérence. Tout au plus, quelques villages au cœur des trois RICE (Réserves Internationales de Ciel Étoilés) de l’hexagone.

C’est également sans compter sur la densité et la physionomie urbaine très différente entre une ville des États-Unis et nos communes françaises. Dans le désert de l’Arizona, dimensionnement des voiries, présence ou non de végétation, densité des constructions et l’urbanisme sont franchement différents.

Enfin, c’est à Tucson que se trouve le siége de IDA : International Dark-Sky Association.

L’éclairage de la voute céleste n’est qu’une part de la pollution lumineuse

Ce bon chiffre sur le rayonnement induit par l’éclairage public ne doit surtout pas nous faire oublier que la pollution lumineuse ne se limite pas à la part d’éclairement émis ou réfléchi vers le ciel nocturne. Mais bien à l’ensemble des perturbations à l’environnement nocturne induites par l’éclairage artificiel, dont son impact sur la biodiversité nocturne (faune et flore) ainsi que sur l’humain.

Et il y a là un point d’achoppement. Grâce à la diode les consommations énergétiques sont réduites. Plus on gagne en efficacité énergétique, plus on étend les zones éclairées. Depuis plus de 10 ans, c’est une progression annuelle de plus de 2% à l’échelle mondiale de la luminosité de la nuit terrestre. Nous sommes donc en plein paradoxe de Jevons (effet rebond). Plus la technologie nous permet de réduire la consommation pour un usage, plus nous multiplions le nombre d’usage.

Changement nationaux dans l’émission de la lumière nocturne © Science Advances, Christopher Kyba

Et d’autant plus que la technologie des diodes électroluminescentes produit un effet de halo plus important. La raison : ses spectres à courte longueur d’onde <500nm. Nous en mesurons l’impact sur la faune, la flore et les cycles circadiens de l’homme. En outre, ces spectres sont les plus mal mesurés depuis l’espace.

Quelles conclusions en tirer ?

Tout d’abord, l’étude de Tucson démontre bien l’importance du travail sur la qualité de la lumière émise. Une contrainte réglementaire forte porte ses fruits.

Mais il faut se protéger d’une interprétation trop simpliste des résultats de l’étude. Ainsi le rappelle le Docteur John Barentine de DarkSkyLab suite aux nombreuses publications simplifiant trop le propos de l’étude et son champ d’application:

« Dans une ville avec des lampadaires intelligemment conçus, la plupart des émissions de lumière et de la pollution lumineuse proviennent d’autres sources.

Les lampadaires de Tucson contribuent moins que prévu aux émissions de lumière nocturne, [ndlr : c’est] après la réduction drastique du niveau d’éclairage mise en place lors de la transition aux LED. »

Docteur John Barentine, DarkSkyLab

 


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 La France a donc fait un grand pas à travers son arrêté du 27 décembre 2018. En effet, elle impose au niveau national des attendus pour un éclairage public de haute qualité (ULR, distribution des Flux CIE3 , températures de couleur maximale…)

Il faut ensuite améliorer les moyens de quantifier les autres sources participant au phénomène de halo pour comprendre les responsabilités et œuvrer à leur limitation.

  • Éclairage des vitrines
  • Éclairage des enseignes publicitaires
  • Parkings
  • Mises en lumière
  • Éclairages privés
  • Éclairage industriel et d’activité
  • Éclairages sportifs…

À ce titre, même si la régulation technique serait complexe à mettre en œuvre et à faire appliquer, l’on peut noter que l’arrêté du 28 décembre 2018 s’est emparé du sujet en entérinant certains éléments applicables au secteur privé comme, par exemple, la réglementation sur les horaires d’allumage/extinction ce qui est un premier pas.

 

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Comment l’obscurité disparait,

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de Samuel Challéat

Broché : 295 pages

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Une petite anecdote

Christopher Kyba rapporte que durant la phase de test de réduction des éclairements, une collecte d’avis sur l’éclairage a été effectuée de façon aléatoire. Personne n’a remarqué que l’éclairage avait baissé de 90% à 30% de sa puissance nominale. Il y a donc encore des marges de progression. Mais là encore, il faut intégrer que la ville de Tucson réglemente déjà les éclairages publicitaires et commerciaux, donc limite les facteurs d’éblouissements et uniformise les effets de contraste.

Deux vues de Tucson avec la gradation de la lumière de l’éclairage public © John Barentine

À votre écoute

Le sujet de la pollution lumineuse et du voilement du ciel nocturne est complexe et multifactoriel. La partie éclairage public est en cours d’évolution et on le voit ici. C’est bien la part des « éclairages privés », non gérés par les collectivités, sur lesquelles nous devons œuvrer, éduquer, partager. Et ce, en tant que professionnels de l’éclairage.

  • Si vous remarquez une erreur de formulation, d’interprétation ou de synthèse dans cet article que nous voulions didactique, n’hésitez pas à ouvrir la discussion en commentaire ci-dessous. En tant qu’acteur de l’éclairage, nous devons montrer que nous sommes proactifs dans le domaine. Il ne faut pas laisser ce sujet qu’aux seules associations militantes et solutions simplistes « il suffit d’éteindre ».
  • Pensez-vous à d’autres critères de planification de projet ou des attendus techniques pour les matériels mis en œuvre pour la partie privée ? Par exemple, comment obtenir une meilleure limitation des luminances verticales des dispositifs publicitaires et des vitrines ? Une régulation efficace des écrans vidéos qui de plus en plus se substituent aux enseignes et publicités ? La systématisation des modulations des niveaux d’éclairements des grands stades, pendant ou hors des heures de captation télévisuelle ? L’obligation d’un rapport de contiguïté stricte des éclairages sportifs sur les terrains amateurs ?

Merci à Christopher Kyba pour l’autorisation de reprise d’infos en partie issues de son thread Twitter.

 


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Approfondir le sujet

Équipe du projet

Chercheur Christopher Kyba John Barentine
Laboratoire de recherche GFZ GeoForschungsZentrum Potsdam Helmholtz Centrer DarkSkyLab
Satellite SUOMI NPP
Association IDA - International Dark-Sky Association
Site d'observation astronomique Kitt Peak Kitt Peak National Observatory
Magazine Lighting Research & Technology
Militaire US Army Armée américaine
Maître d'ouvrage Ville de Paris Grand Annecy Syane

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Concepteur lumière et gérant de l’agence L’Acte Lumière depuis 2001, Jean-Yves Soëtinck est dans le monde de l’éclairage depuis 1997, et noctophile depuis bien plus. Ses centres d’intérêt sont l’espace urbain, la portée culturelle de la lumière et sa touche de magie, de l’éclectisme, de la poésie nocturne et la part d’ombre en toutes choses.
10 commentaires
  • Merci pour cette super synthèse et perspective historique !
    C’est un problème métrologique très difficile car comment, sur une image aérienne, distinguer la lumière utile réfléchie par la chaussée, de la lumière contribuant à la pollution lumineuse ? Détecter des luminaires boules OK mais a-t-on besoin d’images aériennes pour cela ? Une question plus intéressante serait : est-ce qu’un luminaire récent respecte bien l’arrêté sur les nuisances lumineuses (ULR<4% à l'installation par exemple) ? Malgré les prouesses technologiques, je ne vois pas comment ce type de contrôle pourrait être fiable avec de l'imagerie aérienne.

    Pour participer à la discussion, je m'interrogeais sur l'impact de l'éclairage architectural sur la pollution lumineuse. A-t-il pu être évalué ? Est-ce que les concepteurs lumière ont modifié leur pratique par rapport à cela alors que l'éclairage en contre-plongée reste parfois incontournable ?

    • Bonjour et merci pour votre commentaire.
      En effet, en tant que professionnels avec des yeux avertis, nous sommes tous capable de distinguer les dispositifs les plus perturbants (boules, enseignes etc…), mais cette étude permet -pour une fois- de confirmer de façon scientifique ces ressentis sur le sujet du candélabre seul.
      L’étude du voilement du ciel nocturne a encore de très nombreux progrès à faire, mais je pense que si elle était fortement associée à la collecte de données au sol (un « StreetView »© nocturne), le tout croisé avec des bases de données de caractéristiques luminaires géo-référencés en OpenData, cela permettrait d’obtenir des visualisations très pertinentes (à la façon des cartes de diffusion des polluants dans l’air de certaines rues). Pour l’instant la limite est financière, jusqu’à ce qu’un acteur du secteur privé (un GAFAM) n’y trouve un intérêt. La création des Streetviews diurnes a mobilisé des moyens énormes, mais les GAFAM ont su y associer un service (indirectement payé par l’usage, bref pas le sujet ici).
      Pour rebondir sur la question de la mise en lumière architecturale qui est au cœur de ma pratique professionnelle. Je n’ai pas en tête de référence de mesures d’impact suffisamment significatives sur la part de « pollution lumineuse » que l’on peut imputer directement à la mise en valeur de l’architecture par la lumière. L’on pourrait d’ailleurs les décliner en sous catégories comme « Mise en valeur par concept d’éclairement », ou « Mise en lumière par concept de luminance » etc….
      Sans m’engager au nom de mes confrères, je pense cependant que depuis de très nombreuses années, les concepteurs lumières ont fait collectivement évoluer leurs sensibilité à ce sujet en renouvelant leurs pratiques : moins d’emphase, moins de puissance, plus de finesse et de subtilité. Et les dernières tendances des mises en lumière montrent un soin très particulier à tout cela, par l’usage de cadrages de plus en plus strict des faisceaux (permettant de retrouver l’intérêt à un simple éclairage de voile, redevenu désormais qualitatif), ou bien la mise en œuvre de lumières « cadrées » (graphiques ou non), voir même l’usage de vidéoprojection. Mais ces sujets sont principalement ceux de mises en lumière sollicités par les acteurs publics, or quid des nombreuses mises en lumière d’édifices privées (Hôtels, immeubles de bureaux, entrepôts) où les projets sont rarement menés par des concepteurs lumière indépendants avec ce souci des enjeux environnementaux.

      Je complète vos questionnements en appelant à mes confères et lecteurs :
      – Avez-vous connaissance vous des études d’impact sur la mise en lumière architecturale ?
      – Comment avez-vous modifié vos pratiques sur la mise en valeur ?
      – Ne craignez-vous pas un « arrêté couperet » qui mettrait tout le monde dans le même sac en interdisant purement et simplement par exemple tous les éclairages par « contre-plongée » qui dans certains cas sont incontournables ?

  • Un grand bravo pour cet article très clair et pertinent !
    Les eclairages privés et particulièrement commerciaux et industriels sont des acteurs majeurs dans les nuisances de lumieres. Meme sans études particulières cela reste facilement observable. Qui des contrôles relatif a l’arrêté 12/2018 sur ces secteurs ? Quasi neant ! Alors que les projets publics sont presque tous aujourd’hui en accord avec ces objectifs (on y cherche même le micro détail….)… la création d’une association indépendante de sensibilisation/information au cas par cas serait aujourd’hui la bienvenue

    • Merci Lionel pour ton commentaire.
      En effet, la règlementation définie des critères qui doivent être appliqués en amont lors des études de projet, et dont certains critères seront invérifiables par la suite.

      Mais qui va avoir la capacité de saisir le Ministère public en cas de non respect ? Les municipalités, un organisme de l’état (une police de l’éclairage ?), des particuliers, des associations ? dans quel but ? Qui pour contrôler et condamner en cas de non-respect desdits critères ? De mémoire, les amendes pourraient être assez salées (je crois me souvenir de 750 €/pt lumineux et obligation de remise en conformité).

      Je pense qu’il est important que la filière éclairage dans toutes ses composantes se saisisse de ce point pour avoir un « observatoire » indépendant (ou un autre nom), afin de ne pas laisser ce sujet aux seules « associations militantes ».

      Pour ma part j’ai eu à plusieurs reprises envie de pratiquer le « Name And Shame » pour identifier certains acteurs, les exposer nommément sur les réseaux sociaux, pour les inciter à faire évoluer leurs concepts d’éclairage, mais il faut un relais fort et une légitimité « de groupe » sur les réseaux sociaux pour faire bouger ces acteurs.

      Si vous avez des idées d’actions, je vous invite à participer à la discussion.

      • Les propositions me semblent intéressantes mais je vois mal comment un tel « observatoire » pourrait être indépendant s’il est piloté par des professionnels de l’éclairage. Pour le coup, ce sont plutôt les associations « militantes » qui seraient les plus légitimes à porter ce type d’actions.
        Pourquoi ne pas mener avec elles ce commun combat contre les nuisances lumineuses ? Et par l’aspect inédit de cette collaboration, ça aurait sans doute plus d’impact.
        Une idée de départ pourrait être de prendre comme cas d’étude une petite ville ou un quartier et de faire un audit des nuisances lumineuses les plus évidentes (vues du sol), de manière systématique, sans distinction privé ou public. Ce premier exemple pourrait servir de base méthodologique pour des opérations similaires.

        • Oui vous avez raison et je partage cette idée de regrouper les différents points de vues, ce qui permettrait d’être vraiment actif sur les causes « principales » , plutôt que des camps qui s’opposent, faire bouger des lignes pour faire evoluer le secteur finalement le plus complexe à savoir le privé .

  • Bonjour et merci d’ouvrir ce débat intéressant. Mes centres d’intérêt professionnels sont liés à la nuit naturelle et artificielle avec une motivation particulière à décloisonner thématiques, notamment l’éclairage et l’écologie.
    Il me semble que lorsque l’on parle de pollution lumineuse, il est utile de définir de quoi il est question. Avec une tendance naturelle à voir midi à sa porte, et les astronomes ayant été des précurseurs en la matière, de nombreuses approches « pollution lumineuse » présentent un fort biais « astro ». Les travaux mentionnés n’y échappent malheureusement pas.
    Vous mentionnez très justement que la pollution lumineuse ne se limite pas à l’éclairage de la voûte céleste. Les approches écologiques nécessitent en effet un travail bien plus terre à terre et in situ de l’éclairage (environnement du luminaire, son design, type de source, l’albédo du sol…) ; à croiser avec les données issues de la recherche sur les sensibilités spectrales et les seuils de sensibilité aux niveaux d’éclairement connus pour différentes espèces. A ma connaissance, aucune méthodologie standardisée et hors sol ne peut répondre à la question des impacts sur la diversité des niches écologiques ni à la question des différentes échelles à considérer : un jardin, un quartier, une ville, une région.. 
    D’autres approches, plus subjectives mais tout aussi respectables de la pollution lumineuse concernent des aspects plus sensibles qui touchent l’individuel, le social ou le culturel qui nécessitent d’autres formes d’investigations.

    Par ailleurs vous parlez de l’effet rebond par rapport à la technologie LED. Je parlerai plutôt d’un effet de mode propulsé par une stratégie marketing agressive et en partie mensongère (sociologiquement il y aurait de quoi creuser…). Les LED sont bien plus efficaces que les incandescences en éclairage domestiques, mais en éclairage public nous avions déjà des sources SHP d’un très bon rendement. Comme vous le rappelez à juste titre pour Tucson, il y a eu une « réduction drastique du niveau d’éclairage mise en place lors de la transition aux LED ». C’est bien ce que j’observe également en Europe : les gains lors du passage en LED proviennent de la baisse des niveaux d’éclairement. Pour les collectivité l’ayant mis en place, s’y rajoute effectivement les gains permis par la forte gradation des LED (rarement mis en œuvre, peut être dans les RICE). En zone rurale, une simple extinction sans passage à LED est parfois tout aussi efficace !

    • Bonjour et merci pour votre participation au débat.
      Le sujet est complexe et nous avons œuvré à surtout ouvrir des pistes d’échange.
      La genèse de cet article est l’usage et le dévoiement par « simplification à l’extrême » des conclusions d’une étude qui ne portait QUE sur la part de voilement du ciel nocturne induite par les candélabres d’éclairage public d’un ville du Désert d’Arizona.
      Étude que j’ai vu trop facilement réduite par certains en « les candélabres urbains ne polluent pas tant que cela ».

      Le document sur la Trame noire publié ces derniers jours par L’OFB (Office National pour la Biodiversité) apporte de nombreux éclairages sur la sensibilité spectrale des différentes espèces et des éléments méthodologiques, et nous en parlerons surement dans un prochain article.
      J’invite tout à chacun, pour ces deux documents, à les lire afin de se faire son propre avis sur le sujet.

      Enfin, je suis interrogatif quand vous avancez la notion des « biais de pensée » qui prévaudrait dans l’étude de Tucson qui ne dit rien de plus que ce qu’elle cherche à calculer VS vos propres remarques sur « stratégie marketing agressive et en partie mensongère », je serais ravi d’avoir vos sources sur ce sujet. De même je ne partage pas votre avis sur le Sodium car vous ne le comparez que sur la valeur de son spectre et son efficacité lumineuse.
      Au plaisir de pouvoir échanger lors d’une prochaine table ronde sur le sujet.
      Jean-Yves SOETINCK

      • Bonjour,
        Merci pour votre réponse. Bien que cela dépasse largement le thème de votre article, vous m’interrogez sur mes critères de comparaison des sodium avec les LED, je vous répond donc sur ce point.
        Il faut remonter aux lampes à vapeur de mercure. J’ai pu constater dans de nombreuses petites communes qui s’éclairaient avec cette technologie jusque fin des années 90/début 2000, le passage en sodium a été l’occasion d’une forte augmentation des niveaux d’éclairement. En effet, elles sont passées d’un éclairage faible mais dont chaque point lumineux consommait 125W (des BF au bout d’un moment, ça n’éclaire plus beaucoup !), à un éclairage plus important tout en faisant des économies, avec des SHP 70W ou 100W.
        Maintenant, avec le passage en LED, je constate que les niveaux d’éclairements sont souvent beaucoup plus faibles que ce qu’ils étaient en sodium. J’ai eu l’occasion de faire des mesures avant rénovation (SHP 150W avec 70 lux au sol) et après (LED 49W avec 13 lux au sol). Les consommations sont effectivement réduites, mais surtout grâce à la réduction d’éclairement (l’élu me confirmant qu’ils n’avaient pas besoin d’autant de lumière).
        Je ne suis pas une anti LED par principe. Il y a des avantages et des inconvénients. Ce qui me gène, en revanche, et c’est là que je parle de stratégie marketing agressive de la part des fabricants, c’est la simplification des messages, notamment sur l’aspect énergétique, pour vendre de la LED à tout prix.
        Je vous renvoie sur l’interview de Philippe Badaroux il y a quelques temps sur ce même site (https://www.lightzoomlumiere.fr/interview/philippe-badaroux-de-lhorloge-astronomique-a-leclairage-led/) « Nous vantons avant tout la LED pour sa performance énergétique. C’est vrai quand, nous la comparons aux lampes à incandescence dans l’éclairage intérieur, mais beaucoup moins quand on les compare aux lampes à décharge récentes de l’éclairage public. A mon sens, les avantages sont ailleurs. »

        Je reste toujours intéressée à la confrontation de mes point de vue avec d’autres. Au plaisir d’en discuter à l’occasion.
        Hélène Foglar

        • Bonjour
          A vous lire, je pense que nous sommes d’accord sur la finalité de l’éclairage public, de ses nuisances lumineuses, des actions à mener ici et maintenant avec les outils que nous avons en main. Nous sommes également d’accord sur le fait qu’il est impératif d’être pro-actif sur le sujet et sur l’évolution permanente de nos méthodologies en dépassant le cadre de la seule législation actuelle. En revanche je ne partage pas votre vision de l’évolution de l’éclairage qui est beaucoup plus multi-factorielle que votre résumé. Heureusement qu’au début des diodes, la filière ne s’est pas arrêté à la simple comparaison des efficacités énergétiques… Il en est de la démarche itérative: des technologies en remplacent d’autres et ouvrent le champs de nouveaux besoins mais aussi de nouvelles problématiques.

          Pour illustration (et de mémoire), les astronomes (les premiers a alerter sur les sujets de la PL ) ont successivement décrié la Ballon Fluo pour demander la généralisation du Sodium (une histoire de spectre si ma mémoire est bonne), puis l’évolution des sodiums (en cause des fortes luminances des sources et les niveaux d’éclairement élevés) puis aujourd’hui la remise en cause de la teinte (et de la composition spectrale qui la compose), des niveaux d’éclairements et d’une réinterrogation sur la nécessité réelle ou fantasmée des besoins et il est vital de faire évoluer les méthodologies de « constructions des projets/stratégies lumière » en décloisonnant et ouvrant au delà de l’échange entre seulement des « Techniciens Gestionnaires Municipaux » et les « Techniciens éclairagistes » .

          Quand à l’interview de Ph. Badaroux, son développement en trois points qui vient immédiatement après la phrase que vous isolez, rend caduque l’utilisation que vous faisiez de cet argument à des fins de justification de votre propos.

          Au plaisir d’échanger et de faire avancer conjointement ce débat collectif sur le sujet et nos responsabilités.
          Jean-Yves SOETINCK
          Concepteur Lumière Agence Acte Lumière

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