Interview

Vers un guide pour l’éclairage de la maison

Entretien avec Anne-Marie Simonetti, qui a piloté le premier guide sur l’éclairage domestique de l’Association française de l’éclairage.
29 février 2024

Quel a été votre rôle pour le guide sur l’éclairage domestique ?

Anne-Marie Simonetti : Depuis un an et demi, j’anime pour l’AFE des groupes de travail réunissant des experts sur l’éclairage public et l’éclairage domestique qui ont tous deux abouti à la publication d’un guide. Celui sur l’éclairage domestique a été présenté pendant les JNL d’Orléans à l’occasion d’une table ronde sur le sujet, et paraitra bientôt.

Quelle a été votre motivation pour ce projet ?

Anne-Marie Simonetti : Au-delà de la question de la quantité de lumière nécessaire pour accomplir une tâche, je me suis demandé pourquoi l’éclairage nous donne envie de rester dans une pièce ou au contraire nous fait fuir. Mais je n’ai pas vraiment trouvé d’études scientifiques permettant de répondre précisément à cette question.

Hall entrée appartement, éclairage domestique avec des suspensions vintage – Image IA générative © Hamburn, Adobe Stock

Comment avez-vous procédé ?

Anne-Marie Simonetti : Pour le guide, je me suis beaucoup documentée. J’ai notamment relu d’anciens numéros de la revue Lux des années 60 à 80, qui publiait alors spécifiquement des articles sur l’éclairage domestique. Si les technologies n’étaient évidemment pas les mêmes, les principes d’éclairage restent valables. Mais le sujet est nettement moins abordé aujourd’hui.

Quels sont ces principes d’éclairage ?

Anne-Marie Simonetti : Une des suggestions serait de ne se satisfaire ni uniquement d’un éclairage général ni uniquement d’un éclairage sur la zone d’activité, mais de trouver un équilibre afin de structurer les espaces.

Escalier et éclairage domestique, structurer l’espace intérieur, nez de marche, garde-corps et applique murale © Olga, Adobe Stock

Certaines tâches comme lire, faire ses devoirs, (télé)travailler, cuisiner, etc. nécessitent un éclairement important. Il faut donc pouvoir bien diriger la lumière vers ces zones. Un éclairage général permet de ne pas avoir un contraste lumineux trop important et d’éviter ainsi l’accommodation et la fatigue visuelle.

Salon bureau home office, éclairage domestique suspension, lampe de table et lampadaire, lumière du jour © ArquitecAi, Adobe Stock

Dans une chambre, il faut veiller à ce que la lampe d’éclairage ne soit pas directement visible, pour ne pas être ébloui lorsque l’on est allongé. Dans une salle de bains, avoir des éclairages latéraux par rapport au miroir est souvent apprécié.

Salle de bain avec miroir et lavabo design, éclairage domestique avec suspensions diffusantes, lumière du jour © Ivan, Adobe Stock

Quand je vais dans une chambre d’hôtel, j’analyse maintenant ce qui fonctionne ou pas en termes d’éclairage. C’est très révélateur.

Avez-vous des exemples de « bon » ou « mauvais » éclairage dans une chambre d’hôtel ?

Anne-Marie Simonetti : Certaines chambres d’hôtel ne sont pas assez éclairées. Des lampes de chevet peuvent être présentes, mais n’apportent pas suffisamment de lumière pour lire dans le lit.

Dans un hôtel, pourtant de grand standing, il n’était pas possible d’éteindre l’éclairage général sans éteindre également les lampes de chevet ! J’ai dû enlever les ampoules…

Chambre à coucher et lit double, éclairage domestique suspendu avec des sphères diffusantes allumées sur les tables de nuit – Image IA générative © 2ragon, Adobe Stock

Il y a aussi des exemples inspirants. J’ai par exemple vu des petits luminaires complètement amovibles pour éclairer l’endroit que vous souhaitez, et conçus de sorte que vous ne voyiez jamais la lampe en direct, quelle que soit l’orientation choisie. C’était parfait !

Chambre à coucher avec un lit double, éclairage domestique en applique des tables de nuit, lumière du jour © Toyakisfoto Photos, Adobe Stock

Finalement, bien choisir l’éclairage de son domicile nécessiterait d’expérimenter plusieurs solutions. Mais c’est malheureusement souvent difficile à faire chez soi !

La technologie LED a-t-elle apporté de nouvelles solutions ?

Anne-Marie Simonetti : Pas vraiment. L’objectif étant d’apporter des solutions d’éclairage à des environnements déjà existants, les lampes LED sont principalement vues comme des lampes de substitution aux technologies traditionnelles.

Appartement studio cuisine ouverte, salle à manger, éclairage domestique suspension, encastré en plafond, applique murale, lumière du jour © Anatoliy Gleb, Adobe Stock

Les bandeaux LED font toutefois exception. Faciles à poser, ils permettent des éclairages qui n’étaient pas réalisables auparavant. Ils peuvent par exemple être camouflés dans une corniche pour mettre en valeur des espaces en éclairage indirect.

Maison privée, Crystal Lake, Etats-Unis –  Plafond rétro-éclairé en lumière indirecte avec des rubans LED – Flynn Architecture et Design © Matt Flynn

Comment est perçue la technologie LED ?

Anne-Marie Simonetti : Il reste encore de nombreuses lampes à incandescence ou fluocompactes dans les logements. Les gens ont en effet du mal à changer une lampe qui marche, et n’ont pas toujours pris conscience du gain considérable en termes de consommation. Certaines personnes sont encore très réticentes à la technologie LED, soit parce qu’elles ont entendu parler de la « lumière bleue » des LED, soit parce qu’elles estiment ne pas atteindre la même température de couleur que l’incandescence.

Villa Cavrois, chambre d’un jeune homme – Luminaire : Raphaël Armand – Tigralitte après réfection – Situation Croisée 300 © Éric Soudan, 2022

Conseillez-vous d’introduire de la gestion d’éclairage dans les logements ?

Anne-Marie Simonetti : La technologie LED a facilité la mise en place de systèmes de gestion de l’éclairage via une application ou un assistant vocal. Il est par exemple possible de modifier la température de couleur en fonction des heures de la journée. Choisir une lumière plus vive pour se préparer le matin, et plus tamisée et chaude le soir. Cette modulation de l’ambiance lumineuse est particulièrement appréciable dans une salle de bains.

Salle de bains et douche, éclairage encastrée et ruban LED autour du miroir © FD Éclairage

La gestion permettrait de faciliter la vie entre générations dans un même logement, avec des gens qui ont besoin de plus de lumière que d’autres à certains moments ou pour certaines activités.

Prix du luminaire de la salle de bain remarquable 2022 – Ambiance in situ, applique ONYX – Designer : Léon de Coninck © Brossier Saderne

Mais de nombreuses personnes sont aussi critiques par rapport à la maison connectée, car l’usage s’avère compliqué, et les solutions plus chères. Les lampes connectées sont alors perçues davantage comme des gadgets technologiques que comme des objets répondant à des usages bien définis.

Que pensez-vous de la notion de sobriété lumineuse en éclairage domestique ?

Anne-Marie Simonetti : Nous ne l’avons pas abordée dans le guide, car nous avons le sentiment que dans l’usage, le problème est plutôt inverse. Il y a beaucoup de publicité négative sur l’éclairage public, perçu comme du gaspillage. Par analogie, les gens vont donc souvent éteindre la plupart des lumières de leur maison sans se préoccuper du confort visuel et en ne se rendant pas compte que la consommation énergétique dédiée à l’éclairage est bien plus faible que celle utilisée pour le chauffage.

Et quand on vieillit dans un logement, on change rarement l’éclairage, alors que les besoins en lumière augmentent. Nous conseillons donc plutôt davantage de lumière, mais avec une répartition spatiale mieux conçue.

Propos recueillis par Lionel Simonot le vendredi 5 mai 2023 en visio.

Guide de l’éclairage domestique AFE à paraitre

Guide éclairage domestique – bonnes pratiques pour les installations – couverture © AFE, association française de l’éclairage

Pour connaitre la date de parution, merci de contacter l’AFE.

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Équipe du projet

Maîtrise d'ouvrage AFE
Chef de projet Anne-Marie Simonetti

Lieu

  • AFE
  • Paris, France

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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
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