Article

Et si nous changions les lampes de nos maisons ?

L’éclairage devient négligeable dans la consommation énergétique de nos maisons. Une performance étonnamment peu mise en avant par les fabricants de lampes.
31 octobre 2023

Imaginons qu’en 2023, les magasins affichent encore les prix en francs. Rappelons, pour les plus jeunes, qu’il s’agit de l’ancienne monnaie nationale qui disparut officiellement en 2002 et fut remplacée par l’euro. Même si un double affichage francs/euros a persisté quelques années, il serait évidemment absurde de continuer à le faire aujourd’hui. Qu’en est-il pour les lampes de nos maisons aujourd’hui ?

Lampes de maisons : un affichage incompréhensible

Nous sommes pourtant confrontés à une situation ubuesque similaire lorsque nous achetons une lampe dans un commerce. Les inscriptions des fabricants sur le packaging, comme « 7,3 W = 60 W », sont incompréhensibles ! Après un moment de trouble, nous pouvons supposer que le plus petit nombre correspond à la puissance en watts réellement consommée. Mais que signifie le plus grand ? Pas de faux suspense : il s’agit de la puissance consommée par une lampe à incandescence traditionnelle émettant le même flux lumineux. Problème : tout comme le franc, ce type d’ampoule a disparu de la circulation. La commercialisation de ces lampes trop énergivores a été interdite depuis 2008. Si vous avez moins de 30 ans, vous n’en avez donc jamais acheté !

Choix d’une ampoule dans un magasin – lampes LED © JackF, iStock

Pour estimer un flux lumineux, peut-être n’existe-t-il pas d’autre moyen que de faire ce genre de comparaison ? Pas du tout. La photométrie est une science bien établie et l’on sait parfaitement définir et mesurer un flux de lumière. L’unité est le lumen. Les fabricants ont l’obligation de donner sa valeur. Les watts équivalents à l’incandescence n’apportent donc aucune information supplémentaire, si ce n’est de la confusion pour l’acheteur potentiel.

Quelle lampe acheter pour nos maisons ?

Pour connaître les performances des lampes pour l’éclairage domestique, nous avons relevé les flux lumineux émis (en lm) et les puissances consommées (en W) d’une centaine de références proposées en ligne par une enseigne de bricolage. Le rapport des deux donne l’efficacité lumineuse en lm/W. Nous avons limité l’analyse à des ampoules avec une enveloppe dépolie pour de l’éclairage général en blanc chaud (température de couleur de 2 700 K), équipées d’un culot à vis E14 (puissance de 2 à 8,5 W) ou E27 (puissance de 3 à 23 W). Les fabricants semblent s’être concertés pour afficher une durée de vie de 15 000 h, bien plus élevée que les 1 000 h de l’incandescence classique.

Efficacité lumineuse (lm/W) par puissance consommée (W) pour des ampoules LED en éclairage domestique © Lionel Simonot

Première surprise, les flux lumineux ne prennent que quelques valeurs dont les plus usuelles sont 250 lm, 470 lm, 806 lm, 1 055 lm et 1 521 lm. Pourquoi des valeurs aussi précises ? Car il s’agit de flux lumineux standardisés qui seraient émis par des lampes à incandescence traditionnelles de puissances 25 W, 40 W, 60 W, 75 W et 100 W respectivement. Il serait temps d’abandonner ces références obsolètes et de former les consommateurs à l’échelle en lumen en en précisant les usages, ou du moins certains ordres de grandeur : 400 lm pour une lampe de chevet, entre 1 000 et 1 500 lm pour l’éclairage général d’une chambre, par exemple.

Autre constat, il y a une grande diversité des performances. Pour une émission de 806 lm, les puissances des lampes commercialisées varient entre 5,9 W à 9,7 W. Un tel écart s’explique par l’augmentation rapide des performances des LED. Plusieurs générations de lampes LED cohabitent sur les étalages des magasins. Ces différences d’efficacité lumineuse ne suffisent toutefois pas à justifier les écarts de prix d’achat dans un rapport de 1 à 3.

Une consommation énergétique dérisoire

L’efficacité lumineuse moyenne des lampes LED se situe autour de 115 lm/W avec la forte dispersion mentionnée ci-dessus. C’est 9 fois plus que les lampes à incandescence traditionnelles (13 lm/W environ). Autrement dit, si dans les années 2000, nous n’avions que ce type de lampes dans notre maison, et qu’aujourd’hui nous renouvelions toutes les ampoules avec des lampes LED du commerce, notre consommation électrique liée à l’éclairage serait divisée par 9 entre les deux dates.

Ce chiffre est sans doute surestimé. À l’époque, nous avions probablement aussi des lampes halogènes et des lampes fluocompactes moins énergivores. Néanmoins, la conclusion reste la même : l’éclairage induit une consommation énergétique à présent très faible. Son coût dépend bien sûr de la surface habitée et de l’usage que l’on fait de l’éclairage. Il peut toutefois être estimé aujourd’hui à seulement quelques dizaines d’euros par an, bien plus faible que la facture dédiée au chauffage et à l’eau chaude. Il ne faut donc plus craindre d’allumer pour atteindre un meilleur confort visuel. Un bon prétexte pour revoir l’ensemble des éclairages de son habitation.

Des performances exceptionnelles, mais un marketing décevant

C’est sans doute Philips qui propose actuellement les lampes les plus performantes à destination de l’éclairage domestique, commercialisées sous le nom d’ampoule LED Master UltraEfficient. Le choix est possible entre deux puissances : 4 W pour 840 lm et 7,3 W pour 1 535 lm. Faites le calcul, on atteint une efficacité lumineuse record de 210 lm/W ! Cette valeur n’a probablement pas été choisie au hasard. Elle constitue en effet le seuil nécessaire pour atteindre le label A dans le nouvel étiquetage énergétique des lampes.

Ampoule LED Master UltraEfficient de Philips de 4 W, émettant un flux de 840 lm © Signify

Notons que Philips propose un blanc neutre à 4 000 K et un blanc à 3 000 K, un peu moins chaud que les 2 700 K usuellement choisis en éclairage domestique. La durée de vie est affichée à 50 000 h, plus de trois fois celle des ampoules LED classiques. Cela correspond à 50 ans pour une utilisation de 3 heures par jour !

Avec des valeurs de flux lumineux un peu décalées par rapport aux valeurs tabulées, nous aurions pu espérer une mise en avant des lumens. Ici, c’est la puissance équivalente pour la lampe à incandescence qui est l’inscription la plus visible sur la boîte. Ou comment des performances technologiques exceptionnelles sont masquées par un marketing d’un autre âge…

Par rapport à leur efficacité lumineuse, ces ampoules ont logiquement un prix sensiblement plus élevé ; mais qu’on se rassure, celui-ci n’est pas affiché en francs !

Approfondir le sujet

Guide d’éclairage domestique – AFE – Septembre 2023

Guide d’éclairage domestique – AFE – Septembre 2023 – couverture © e-afe

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article : Changer une ampoule (lampe) pour économiser de l’énergie – Mère et enfants – lampes LED © Imgorthand, iStock

Livres

Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, un livre collector

Depuis 20 ans, le phénomène éclairage vit une mutation sans précédent. Ville, espace public, architecture, conception lumière.

En savoir plus...

Essai d’optique sur la gradation de la lumière, de Pierre Bouguer

Aux sources de la photométrie avec Lionel Simonot. Voici l'Essai d’optique sur la gradation de la lumière de Pierre Bouguer, à redécouvrir.

En savoir plus...

Quand la matière diffuse la lumière, aux Presses des Mines

Sous la direction de Lionel Simonot et Pierre Boulenguez, quand la matière diffuse la lumière, aux Presses des Mines, parle des sciences de la matière.

En savoir plus...

Poursuivez votre recherche

Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
0 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.