Vanishing Points, exposition Olivier Ratsi, de l’art numérique à Marseille
L’artiste Olivier Ratsi présente six installations à Marseille au sein des 1500 m2 d’anciens locaux d’une grande marque de vêtements. Un espace transformé pour l’occasion en lieu d’exposition éphémère à quelques mètres du Vieux-Port de la ville. Certaines installations ont déjà été vues parfois en Asie ou aux USA, d’autres sont des créations mondiales inédites.
Un questionnement sur la perception du réel
L’exposition, nommée « Vanishing Points » ou « Points de Fuite » en français, présente donc des œuvres qui mettent en jeu les points de vues, la perspective et ses fuyantes, mais surtout la perception spatiale du spectateur.
Elles sont hypnotiques et immersives, abyssales parfois.
Ces œuvres développent la recherche d’un espace tridimensionnel fictif animé. En vidéo projeté avec l’architecture du lieu comme support. En volume avec la perspective de l’architecture. L’espace d’exposition et de projection est construit et déconstruit.
Questionnant le spectateur sur sa perception du réel, deux figures esthétiques liées à notre perception de l’espace sont employées :
- la perspective théorisée au Quattrocento,
- l’anamorphose, dont les premières traces proviennent de Chine datant du 14éme siècle sous l’ère Ming.
Ainsi, les œuvres se présentent sous la forme d’anamorphoses vidéo-projetées, d’installations lumineuses ou d’une sculpture. Olivier Ratsi y travaille l’animation de lignes, de rectangles imbriqués ou de trames géométriques minimalistes et abstraites, de couleurs très simples : du rouge, du blanc et les couleurs de l’arc-en-ciel. Des installations à parcourir ou à contempler assurément.
Frame perspective de Olivier Ratsi
Installation in situ (ordinateur, bois, LED).
Dès l’entrée de l’exposition, avec Frame perspective, Olivier Ratsi m’aspire, m’entraîne avec surprise dans sa Twilight Zone, un couloir sans fin de respirations lumineuses, passage spatio-temporel vers les abîmes. Une installation ludique, lumineuse et sonore qui force au Selfie !
J’avais vu, je dirais vécu, la précédente version lors de Constellations de Metz, l’événement qu’il ne fallait pas rater à l’été 2019 et qui avait réuni la Dream Team de l’Art Numérique français, avec la présence exceptionnelle de tous les anciens d’AntiVJ. J’y avais suivi une longue procession lumineuse et infinie sous les voûtes d’un cloître, installation monumentale d’une cinquantaine de cadres lumineux à échelle humaine suspendus dans les airs en un alignement très cistercien. Inoubliable !
Delta de Olivier Ratsi
Installation in situ (boucle vidéo, vidéoprojection, son, peinture).
La seconde installation, Delta m’attire directement. Elle me fait penser à une autre œuvre d’Olivier Ratsi, Onion Skin que j’adore et que j’ai beaucoup contemplé et photographié.
Là encore, « l’install » m’envoûte, spirale rectiligne animée, hypnotisante par ses rectangles concentriques à l’oblique qui avancent doucement vers le spectateur. Rouge et blanche, elle s’impose. Accompagnée par le designer sonore, Thomas Vaquié, c’est parfait. Là encore l’art d’Olivier Ratsi imprime ma mémoire.
XYZ de Olivier Ratsi
Installation in situ (boucle vidéo, vidéoprojection, son, peinture).
Proche de Delta dans l’espace d’exposition, XYZ, par son monochromatisme blanc, m’a semblé être son négatif dans la scénographie. C’est un jeu de trames de lignes qui s’animent sur trois pans adjacents. Elles se déplacent assez rapidement, s’éloignent ou se resserrent en vibrations visuelles pour se dissiper ou s’assembler en un noir ou un blanc total : le noir de l’obscurité ou le mur éclairé. Je suis resté longtemps à observer les déplacements des alignements de traits et les interactions de ceux-ci avec les différents volumes de l’espace de projection créé.
En me déplaçant pour construire ou déconstruire le rectangle du terrain de jeu visuel, je joue avec le point de vue de l’anamorphose. J’ai aussi été me baigner dans les respirations minimalistes des lignes mouvantes, étonnant quand on est à quelques encablures de la rade de Marseille ! Là encore fracture de la rétine, merci Monsieur Ratsi !
Spectrum de Olivier Ratsi
Installation lumineuse in situ (ordinateur, bois, tasseaux, LED).
Spectrum est une installation lumière qui m’a bien fait plaisir, moi qui explore la diffraction de la lumière naturelle et artificielle dans mon travail de light artist. Ici, l’inspiration vient des travaux de Newton au 16éme siècle sur la décomposition de la lumière blanche au travers d’un prisme, produisant les couleurs du spectre visible. Ce spectre est traduit par une anamorphose composée de lignes lumineuses colorées. Les lignes s’éclairent de couleurs qui passent lentement par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans un mouvement synchronisé, symbolisant les composantes monochromatiques de la lumière blanche. Ici l’immatériel est recréé.
Les sources sont invisibles, totalement cachées dans les flancs de fines et longues gorges lumineuses dont seule une tranche des bordures est éclairée par les lumières indirectes. L’œuvre est tout simplement belle et prête à la contemplation, d’autant que le cycle coloré est tranquille et doux.
Une musique envoûtante
Olivier Ratsi est ici de nouveau accompagné par les compositions électroniques envoûtantes de Thomas Vaquié, son ancien camarade du célèbre label AntiVJ.
Il avait cofondé ce collectif pionnier des performances audiovisuelles en 2007 aux côtés de Yannick Jacquet, Romain Tardy et Joanie Lemercier, devenus eux aussi des références dans leur domaine.
Coproduction de l’exposition
Sur une proposition de Seconde Nature et de Zinc, les deux structures de référence de l’art contemporain numérique basées à Aix-en-Provence et Marseille, Olivier Ratsi réalise ici sa première exposition monographique.
La production technique est confiée à Crossed Lab, une agence de production d’art numérique lyonnaise reconnue, et la direction de la réalisation est déléguée à Julien Taib, connu pour ses actions au sein d’Arcadi Île-de-France et la biennale Nemo à Paris.
En bref, « Vanishing Points » d’Olivier Ratsi est une exposition à absolument visiter et à revisiter à Marseille ! D’autant plus que suivant le jour, la perception des installations change.
Infos pratiques
- Vanishing Points
- Exposition du 18 décembre 2019 au 22 mars 2020
- 18 rue de la République, Marseille
- Les vendredis, samedis et dimanches entre 13h et 20h
- Entrée libre
- Cette exposition pourrait être prolongée, tenez-vous au courant.
- Site de l’artiste
Approfondir le sujet
- Onion Skin de Olivier Ratsi – label créatif AntiVJ – à iNuit, Cergy
- PLANE une anamorphose de lumière par Olivier Ratsi
- Vidéo mapping en galerie : Joanie Lemercier & Quayola, Galerie LJ, Paris
- Marseille Modulor : Architectones, Xavier Veilhan au MAMO
- 16 arts lumière tendances des expositions en France
Livres
Ambivalences de la lumière
Sous la direction de Charlotte Beaufort et de Marylène Lebrère, actes du colloque interdisciplinaire et international, ambivalences de la lumière. |
Lexique de l’éclairage professionnel, de Sophie Caclin
La traduction facile français-anglais en architecture, urbanisme, lumière, éclairage et communication. Découvrez le Lexique de l’éclairage professionnel. |
Noir, lumière et théâtralité, de Véronique Perruchon
Une traversée historique et esthétique du noir au théâtre et de la lumière à la scène. Un livre de Véronique Perruchon à dévorer avant de se coucher. |
Lieu
- Vanishing Points
- Marseille, France