Réalisation

Nicolas Schöffer : de l’art vidéo à la création par ordinateur

Visions prismatiques, machines à rêver, art vidéo et création par ordinateur. Rétrospective de l’exposition Nicolas Schöffer à Villeneuve d'Ascq.

Dream Machines : l’art vidéo inventé

Nicolas Schöffer explore la manipulation d’images pour la télévision et le cinéma, il invente plusieurs machines de mixages d’effets lumineux et sonores live à capter par la caméra et crée ainsi la première performance vidéo, le premier clip de l’histoire « Fer Chaud » (1957). Il crée donc l’Art Vidéo plusieurs années avant Nam June Paik, défini injustement par les historiens de l’art nord-américains comme le premier artiste de cette discipline.

Machines à créer des effets lumineux vidéo :

  • Luminoscope (brevet 1958), appareillage de mixage de prise de vues intervenant directement sur le tube cathodique.
  • Téléluminoscope (brevet 1963), appareillage de mixage avec écran.

https://x.com/CCharlestown/status/988004474601005056

Ainsi nous pouvons visionner dans l’exposition la première réalisation d’art vidéo de l’histoire de la télévision, la soirée télévisée « Variations Luminodynamiques » qu’il réalise pour l’ORTF dans la soirée du 25 octobre 1961, une émission en direct composée de manipulations live soumettant des images à divers effets vidéo :

  • distorsions
  • solarisations
  • détourages…

« Machines à rêver »

Il développe « la technique d’ambiance » et « l’ambiance programmée » avec les laboratoires de Philips (firme avec laquelle il travailla plus de 20 ans), ainsi il crée diverses « hypno –dream box », machines à endormir doucement et à rêver, dont certains modèles sont présentés.

  • Dreambox ou « boite à rêves » (1960) projetant des effets lumineux mouvant sur le plafond, le mur ou sur un écran frontal.
  • Mur-Lumière (1962), visible exceptionnellement dans l’exposition, juxtapose des cellules luminodynamiques à l’infini derrière un écran de projection transparent, synchronisable avec une bande son et des capteurs, inventant l’installation multimédia monumentale.
  • Lumino (1964), « susceptible de produire sur l’organisme humain un effet bénéfique de relaxation sous l’influence de phénomènes visuels ou audiovisuels », « la lanterne magique de l’an 2000 » elle est la première œuvre d’art aux effets hypnotisants à avoir été conçue pour être fabriquée industriellement en grande série,1500 exemplaires fabriqués par Philips.
  • Mais aussi les planches passionnantes du scénario d’une émission, récemment retrouvées et présentées pour la première fois au public, nommée « Préparation au sommeil » et destinée à être diffusée à la télévision juste avant l’arrêt des programmes. Un autre art vidéo !

Visions prismatiques : éveiller la conscience

A la recherche de stimulants cérébraux pour enrichir et élever hautement la perception, Schöffer crée « Les Microtemps » prenant le contrepoint de la lenteur du Lumino : des boites à systèmes animés d’éléments mobiles sur axe, courbés ou plans d’inox poli, de métal percé et de plexiglas, animés avec rapidité de flashs et lumières colorées aléatoires, où seul un stroboscope pourrait être plus excitant. Chaque élément métallique émet un son s’ajoutant au bruit des moteurs.

Le bruit est prenant et emplit l’espace de la fin de l’exposition et l’esprit hésite entre l’attirance ou la peur. Ils interrogent notre esprit !

https://x.com/NaimaEditions/status/996067184152600576

Tels des miroirs aux alouettes nous sommes attirés par cet ensemble de boites superposées qui produisent :

  • bruit,
  • mouvements circulaires,
  • brillance,
  • cliquetis,
  • vitesse,
  • reflets,
  • flashs lumineux,
  • couleurs aléatoires,
  • crissements,
  • effets psychédéliques.

En 1966, Schöffer crée un gigantesque Microtemp où l’on entre, installé dans la discothèque le Voom Voom à Saint-Tropez. Ce décor associant des éléments de microtemps et un grand Prisme symbolisent l’esthétique de l’époque et aussi bien Courrège que Paco Rabanne y défilèrent, et en 1968 Brigitte Bardot, en robe métallique, y chante « Contact » de Serge Gainsbourg !

Le Prisme, par ses parois de miroirs, compose une magnifique rosace mouvante, constituée d’une multitude d’effets lumineux ou de lasers aléatoires, représentant l’infinité de la création divine.

Le grand Prisme n’était malheureusement pas présent dans le choix des œuvres présentées, uniquement visible à l’atelier du Maître de la Villa des Arts à Paris. Sa présence aurait permis plus d’immersion du spectateur nécessaire à l’expérimentation complète de l’œuvre du maître.

Néanmoins deux très beaux petits Prismes étaient présentés, dont une maquette d’un projet monumental. Mais c’était en regardant la gigantesque projection vidéo des effets de miroitements infinis du prisme que nous réalisions l’ampleur de son impact sur notre conscience.

La création à l’ordinateur : explorer jusqu’au bout

Même à la fin de sa vie, bloqué à l’atelier par une hémiplégie qui lui handicape tout le côté droit de son corps, il continue d’explorer les technologies de son temps et d’en repousser les limites créatrices, terminant d’asseoir sa stature historique de pionnier de l’art numérique.

Theorie des Miroirs, Nicolas Schöffer, 1982 – couverture © Naima

Ainsi, après l’apprentissage de l’usage de la souris de la main gauche, il explore la puissance graphique des premiers micros-ordinateurs personnels et dans une ultime recherche, développe une série graphique mêlant dessins numériques et tracés manuel au pistolet, collages de surfaces graphiques et rehauts colorés à la main.

  • Ordigraphic (1988)
  • Choréographic (1990)
  • Colléographic (1990)
  • Ordicol (1991)

Un héritage d’actualité

C’est aujourd’hui, alors que les théories du maître sont réalisées ou sur le point de l’être et que les outils numériques favorisant l’interactivité, l’intégration des datas et le mixage multimédias sont accessibles à tous, que la nouvelle génération d’artistes redécouvre l’œuvre de Nicolas Schöffer et lui fait écho, enfin !

A suivre…

Nicolas Schöffer : une rétrospective éblouissante à Lille

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article : Lumino variations Nicolas Schöffer, extrait de la vidéo produite par © Galerie 47

Livres

Nicolas Schöffer : espace, lumière, temps

Le catalogue de l'exposition Nicolas Schöffer, maitre et théoricien du cybernétisme, de l'architecture spatiodynamique et du light art.

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Équipe du projet

Lieu

  • La Villa des Arts
  • Paris, France

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JBWB est light artist et light painter. Il développe depuis le début des années 2000 une recherche sur la lumière artificielle et naturelle, sa composition et ses propriétés. Son oeuvre se présente sous la forme d’installations in situ et de photographies. Il dispense les premiers Ateliers Arts Lumières pour tous les publics en France. Il est le fondateur de la Ligue Francophone de Light Painting, LFLP. Passionné depuis l’enfance, ses centres d’intérêt sont l’ombre et la lumière, le Light Art et l’Art Cinétique, le Vidéo Mapping et l’Art Numérique visuel.
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