Réalisation

Nicolas Schöffer : du robot compositeur à la tour spatiodynamique

Architecture et urbanisme. Villes et tours cybernétiques et robot compositeurs. Rétrospective de l’exposition Nicolas Schöffer au LaM de Villeneuve d'Ascq.

En 1955, Nicolas Schöffer crée son premier « robot compositeur », une tour spatiodynamique éphémère de 50 mètres de haut dans le Parc de Saint-Cloud. « La Tour qui chante » est équipée de capteurs environnementaux dont les données sont analysées en temps réel par un cerveau électronique développé avec l’aide de Philips. Ces données deviennent les ordres de commandes aléatoires de compositions musicales électroacoustiques de Pierre Henry basées sur les sons enregistrés, mixés, et réenregistrés de la tour frappée doucement.

Robot compositeur et robot danseurs : vers une création autonome

La tour Spatiodynamique Cybernétique de Liège la suivra (1961),  rénovée en 2016, elle s’étendait jusqu’à la façade vitrée du Palais des Congrès voisin, par un spectacle lumineux monumental et aléatoire tous les soirs : il invente la façade média bien avant Yann Kersalé ! Aujourd’hui l’interactivité avec le public est étonnante puisque l’on peut d’un tweet adressé à la tour, la faire flasher instantanément dans la couleur rouge, jaune, vert ou bleu de notre message et en voir le résultat en direct sur le net ! Quel dommage qu’il n’y ai pas eu la possibilité de pouvoir expérimenter, au sein de la scénographie de l’exposition, l’interaction en direct ou en différé du spectateur avec cette tour par un équipement dédié.

En 1988, la tour Lyonnéon à Lyon, Chronodynamique cybernétique de 30 mètres de haut était réalisée. Sans mouvement, elle est équipée de néons en segments de toutes les couleurs, programmés cybernétiquement, par les mouvements des rames de métro, de ses usagers et de l’environnement.

La création est autonome, « Désormais un artiste ne crée plus une œuvre, il crée la création ». Précurseur de l’intelligence artificielle, il vient de créer une intelligence créatrice autonome, un art artificiel.

Parallèlement Nicolas Schöffer crée CYSP1 (1955) toujours avec les ingénieurs de Philips, le « robot danseur » est là ! La première sculpture cybernétique de l’histoire censée « remplacer l’homme par une œuvre d’art abstrait, agissant de sa propre initiative », réagit au son, à la lumière et à son environnement en toute autonomie. Cet « être artificiel » danse et se promène dans l’espace. Accessoire scénique employé uniquement dans un cadre de spectacles, il sera utilisé par Maurice Béjart et ses danseuses pour le ballet « Études Rythmiques » sur le toit de la Cité Radieuse de Le Corbusier à l’été 1956.

Quel étonnement de voir cette sculpture fonctionner totalement, réagir en changeant de direction et en s’animant à nos claquements de mains !

Villes et tours cybernétiques : l’architecture connectée

La Ville spatiodynamique devient ville cybernétique et tour spatiodynamique pour Nicolas Schöffer par sa théorisation de la ville moderne et connectée, prévisualisation de la Smart City d’aujourd’hui. Il y distingue toujours la ville de travail, de repos et de loisir mais celle-ci est équipée de « centres opérationnels » et ordonnée par des « cerveaux électroniques ». Il œuvre dans le Groupe International d’Architecture Prospective, GIAP (1965), sur la proposition de Michel Ragon, participant activement à « l’architecture visionnaire ».

Dans cette partie de l’exposition, nous pouvions admirer de magnifiques maquettes et des vues d’artiste peintes à la main d’architectures et de villes futures. Des images au beau graphisme épuré, d’ambiance grise, présentaient les projets de nuit, animés de faisceaux lumineux et de lasers traçants le ciel.

Pour une Tour Eiffel du 21éme siècle ?

A partir de 1963, l’artiste propose sa Tour Lumière Cybernétique, TLC, implantée dans le nouveau quartier d’affaires de la Défense près de Paris, sur l’axe historique des Champs Elysées. « Première tour informatique au monde », symbole de la Modernité, le projet le plus ambitieux de l’artiste aurait été l’immense signal lumineux et cinétique, expression des rythmes de Paris.

Malheureusement à partir de 1970, malgré l’attrait du public en début de projet et le soutien d’André Malraux, alors Ministre des affaires culturelles, les réactions face aux nouvelles préoccupations environnementales, le choc pétrolier de 1973 et ses incertitudes sur l’avenir, ainsi que le décès en avril 1974 de Georges Pompidou principal garant politique, stoppent le projet.

Aujourd’hui, à l’époque du big data, de la smart city et du LiFi cette tour aurait parfaitement sa place dans la collecte des datas environnementales de la ville moderne, leur traitement, interprétation et transmission afin d’agir et influer sur les multiples fonctions de la ville.

A suivre…

Nicolas Schöffer : de l’art vidéo à la création par ordinateur

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article : Chronos 10 de Nicolas Schöffer, Musée de la sculpture en plein air, Paris, France © Ashrane – Wikipedia

Livres

Nicolas Schöffer : espace, lumière, temps

Le catalogue de l'exposition Nicolas Schöffer, maitre et théoricien du cybernétisme, de l'architecture spatiodynamique et du light art.

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Équipe du projet

Maîtrise d'ouvrage LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne d'art contemporain et d'art brut Sébastien Delot
Plasticien lumière Nicolas Schöffer
Commissaire d'exposition Arnaud Pierre
Assistant à maîtrise d'ouvrage Éléonore de Lavandeyra Schöffer

Lieu

  • La Villa des Arts
  • Paris, France

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JBWB est light artist et light painter. Il développe depuis le début des années 2000 une recherche sur la lumière artificielle et naturelle, sa composition et ses propriétés. Son oeuvre se présente sous la forme d’installations in situ et de photographies. Il dispense les premiers Ateliers Arts Lumières pour tous les publics en France. Il est le fondateur de la Ligue Francophone de Light Painting, LFLP. Passionné depuis l’enfance, ses centres d’intérêt sont l’ombre et la lumière, le Light Art et l’Art Cinétique, le Vidéo Mapping et l’Art Numérique visuel.
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