Éclairage intelligent de la ville de Paris dans le 15e avec Kawantech
En 2017, une première expérimentation avec détection de présence a lieu rue Antoine-Bourdelle à Paris. 15 points d’éclairage public s’allument et s’éteignent en fonction de la circulation. Cette expérience a eu un « impact sur la population » se rappelle Teddy Tisba, responsable de la section de l’éclairage public de la ville de Paris.
Dès lors, Evesa, le prestataire du marché d’éclairage public de Paris d’alors, s’implique dans l’opération. Très vite l’idée n’est pas de se limiter à une rue comme demandé. Pourquoi ne pas réaliser une expérimentation sur un cœur de quartier, avec des typologies différentes d’usagers ? Aujourd’hui, c’est chose faite, avec 15 rues qui ont changé de luminaires et embarqué de toutes nouvelles fonctionnalités. Prenez votre ticket de métro, ligne 12, station Vaugirard.
Tester de nouvelles technologies en éclairage intelligent
Si le projet du budget participatif « propose de créer des rues intelligentes et innovantes comme cela a été fait rue Antoine-Bourdelle », que tester in situ ? Quelles nouvelles technologies en éclairage intelligent mettre en œuvre ?
Teddy Tisba, avec Matthieu Valette, le chef de projet nouvelles technologies de Evesa, vont définir le cadre. Quatre idées sont mises en œuvre :
- Allumer les luminaires en fonction des déplacements des usagers par détection de présence.
- Modifier la température de couleur d’un blanc neutre 3000 K à un blanc orangé 2200 K.
- Repérer les places de stationnement libre dans le quartier, via l’éclairage public.
- Partager l’info à la population par une application smartphone.
Variation de la température de couleur la nuit : pourquoi ?
« Selon plusieurs études, il y a un moindre impact sur la biodiversité avec des températures de couleur plus chaude sur les animaux, les insectes et les arbres » décrit Teddy Tisba.
« Il y a aussi cette tendance de la pollution lumineuse qui devient de plus en plus prégnante » complète Zeynel Acun, directeur des nouvelles technologies de Evesa. « Elle existait avant mais était plutôt orientée vers la découverte du ciel étoilée. Nous l’avons vu, il y a quatre ans aux JNL de Marseille en 2018, avec une conférence de Romain Sordello. Nous l’avons invité ensuite pour une conférence à l’EIVP.
D’un autre côté, on sait que la LED à 3000 K est très confortable en éclairage public pour les usagers. Comment alors concilier les paradoxes de l’éclairage public par la technologie ? » pose t’il comme question.
Éclairage public et usagers
Pour Teddy Tisba, « c’est aussi lié aux usagers. Nous avons moins de lumière bleue dans le spectre lumineux. C’est un inhibiteur de mélatonine, l’hormone du sommeil. Donc, une lumière chaude préserve aussi mieux le sommeil des habitants. »
Cette variation de température de couleur la nuit est mise en pratique à partir de 23 heures. Moment à partir duquel ce quartier résidentiel de la capitale devient plus calme, avec moins de circulation.
Par ailleurs, « dans les quartiers historiques, comme dans le Marais, il y a aussi un meilleur rendu esthétique de la pierre de taille. Mais ça n’a pas été le moteur du projet dans le 15e arrondissement » synthétise-t-il.
Module LED, luminaires et consommation énergétique dans le 15e
Pour réaliser cette expérimentation en éclairage public dans le 15e arrondissement, Evesa sollicite deux fournisseurs de matériels d’éclairage dans le catalogue ville de Paris. « Nous voulions être sûrs qu’ils pouvaient nous fournir des modules LED à double température de couleur. L’un avait des diodes mélangées dans un même module LED. L’autre avait deux modules de diodes différents, chacun étant équipé de son propre driver. Au final, c’est celui que nous avons choisi, car il était capable de fournir très rapidement et de tenir les délais de livraison du projet. »
Des modules de 36 LED sont installés. Soit un total de 72 LED avec un driver de 110 W de puissance nominale pour chacun des modules. Qualifié au catalogue lors du dernier appel d’offres de la ville de Paris, des luminaires Chorus X VDP chez Eclatec de 50 W ont été installés dans le 15e pour cette expérimentation. En était de veille, la consommation n’est que de 15 W.
« Initialement, les luminaires étaient de 150 W. Avec cette rénovation, la consommation énergétique passe à 31 W moyen en équivalence, en prenant en compte l’allumage et l’extinction » précise Teddy Tisba.
Capteurs Kara pilotent l’installation d’éclairage public
Techniquement, « les capteurs sont directement intégrés dans les luminaires, derrière les vasques » explique Teddy Tisba. « Ce qui présente l’avantage de les rendre invisibles de l’extérieur, mais surtout, beaucoup moins vulnérables au vandalisme et à la dégradation. » Il s’agit de capteur Kara de Kawantech équipé d’un calculateur qui pilote l’éclairage public selon le passage d’une voiture ou d’un piéton.
Places de parking libres et éclairage public
« Nous connaissions déjà cette société avec laquelle nous avions travaillé pour la rue Antoine-Bourdelle » se rappelle Zeynel Acun. « Entretemps, il avait développé une partie parking et un système de réseau hertzien entre les candélabres. Technologiquement, ça m’intéressait beaucoup d’expérimenter des luminaires qui étaient déjà équipés d’un réseau mesh. Ainsi, ça nous évitait de rajouter des nœuds sur ces capteurs et on divisait le coût de l’installation par deux. Ce capteur fait office de nœud de télégestion, car il sait communiquer. Un développement a été effectué par Kawantech pour pouvoir adresser deux drivers différents dans le même luminaire en DALI. »
Alexandre Lou Poutignat, chef de projet de Kawantech, précise que « nos produits sont connectés via le réseau bas débit Itron avec un hyperviseur basé sur les technologies Fiware ».
Détection de présence et zone d’éclairage
Teddy Tisba complète : « la détection de présence se fait sur une amplitude d’à peu près 60 mètres : 30 mètres devant et 30 mètres en arrière des consoles sur façade dans ce secteur. 30 mètres, c’est un peu plus que la distance entre deux points d’éclairage public consécutifs. Ainsi, quand on avance dans la rue, on a toujours devant soit une console qui s’allume. Ce qui améliore aussi le confort pour l’usager. » Cet élément est aussi paramétrable et il aurait été possible d’allumer par grappe l’intégralité des éclairages d’une rue. Dans ce cas de figure, c’est un choix technique.
Paris, nouveau marché global de performance pour l’éclairage public
Nouveau marché global de performance pour la ville de Paris, ce dernier couvre les installations d’éclairage public, d’illumination et de signalisation lumineuse. Pour 645,5 M€ HT, il a été remporté en juillet 2021 par le groupement Cielis. Sa composition : Citelum, mandataire, et Eiffage Énergie Systèmes Île-de-France. Le Moniteur qui annonce le lauréat du marché le 23 juillet 2021 précisait les objectifs :
- remplacer 16000 supports d’éclairage et de signalisations tricolores (sur un total de 190000),
- passer de 30 % à 70 % d’éclairage en LED,
- réduire la consommation d’énergie de 60 % par rapport à 2004.
« Le 18 octobre 2021, la ville de Paris a commencé ce marché d’éclairage public pour 10 ans. Il prévoit une enveloppe conséquente pour déployer à plus grande échelle ce type de dispositif » explique Teddy Tisba. Objectif : « faire gagner 5 GWh en plus du contrat, sachant que les économies globales du contrat sont de 30 GWh ».
Dans le monde d’après, avec l’arrivée des véhicules connectés qui ont besoin d’une infrastructure intelligente, ces capteurs français auront-ils un bel avenir ?
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Photo en tête de l’article : rue Jeanne Hachette, 15e arrondissement, Paris, France – Éclairage public intelligent, variation de température de couleur, blanc orangé 2200 K © Vincent Laganier
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