Article

Efficacité lumineuse : et si la lampe d’Edison revenait ?

Comment varient efficacité lumineuse et température de couleur des lampes à incandescence halogène ? Des filaments plus efficaces sont-ils encore possible ?
6 février 2018

Efficacité lumineuse : où es-tu, Edison… ? Voici une œuvre de Ingo Maurer de 1997, Wo bist du, Edison… ? Le luminaire est constitué d’un hologramme qui reproduit une ampoule à incandescence. L’œuvre anticipe la disparition des lampes à incandescence, encore insoupçonnée en 1997. Quant à la question du titre de l’œuvre, la réponse est sur la douille qui reprend le profil du célèbre inventeur.

Après avoir éclairé nos habitations pendant plus d’un siècle, les lampes à incandescence sont à présent bannies de la vente car trop énergivores. Il est vrai qu’elles émettent surtout de l’infrarouge. Elles jouent donc le rôle de radiateurs ce qui n’est pas leur fonction première, et ce qui n’est pas particulièrement souhaitable surtout en été…

Efficacité lumineuse des lampes à incandescence

La lumière émise par les lampes à incandescence (standard ou halogène) est due au rayonnement thermique d’un filament de tungstène qui se comporte pratiquement comme un matériau idéalisé appelé corps noir. Ce dernier émet dans toutes les longueurs d’onde du visible (on parle de spectre continu) et permet ainsi une très bonne restitution des couleurs (IRC de 100 par définition). Le spectre d’émission d’un corps noir et par conséquent son efficacité lumineuse ne dépendent que de sa température (courbe rouge sur le graphique ci-dessous). L’efficacité lumineuse atteint la valeur maximale de 95 lm/W à 6500 K. Cela correspond à peu près à la température de couleur du soleil.

 

La plupart des LED blanches actuelles présentent donc une efficacité lumineuse plus importante que notre astre solaire !

Pour les lampes à incandescence, la température de fusion du tungstène (3695 K) limite la gamme de température du filament (typiquement entre 2700 K et 3200 K), ainsi que leurs efficacités lumineuses (typiquement entre 12 et 30 lm/W). Solliciter le filament de tungstène à des températures plus élevées serait intéressant en ce qui concerne l’efficacité lumineuse (partie ascendante de la courbe zoom à droite du graphique 1), mais réduirait considérablement la durée de vie de la lampe. Les fabricants ont joué sur cette propriété et ont souvent affiché des durées de vie de 1000 h (et 2000 h pour les lampes halogène). Certains considèrent ce choix des fabricants comme le résultat d’un optimum technologique, d’autres comme de l’obsolescence programmée des lampes à incandescence.

Graphique 1 – Variation de l’efficacité lumineuse du rayonnement du corps noir en fonction de la température de couleur © Simonot, Camelio, 2009

Il est possible de gagner en efficacité lumineuse sans réduire la durée de vie de la lampe. A toute chose égale par ailleurs (tension d’alimentation, dimension du filament), on peut montrer qu’une puissance électrique plus importante permet d’atteindre une plus grande température du filament et donc une efficacité lumineuse plus élevée. Elle pourrait être très fortement augmentée (courbe jaune sur le graphique 1) si le rayonnement était limité strictement au rayonnement visible 400-700 nm.

Efficacité lumineuse des lampes halogène

De même, l’introduction d’halogène dans les lampes à incandescence limite, grâce au cycle halogène, la sublimation du tungstène, ce qui autorise à solliciter davantage le filament et donc, là encore, à obtenir des efficacités lumineuses plus élevées.

 

Le graphique suivant reprend les données des fabricants. L’efficacité lumineuse des lampes à incandescence 230 V augmente avec la puissance électrique fournie. Pour une puissance donnée, les lampes halogène sont légèrement plus efficaces. Les lampes halogène « éco » munies d’un revêtement interférentiel doublent l’efficacité lumineuse.

Graphique 2 – Efficacité lumineuse par rapport à la puissance des lampes à incandescence et halogène 230 V © Simonot, Camelio, 2009.

Lampes à filament plus efficaces

Mais pour gagner vraiment en efficacité lumineuse, il faudrait pouvoir ne conserver que le rayonnement visible émis par le filament. Il serait alors possible d’atteindre jusqu’à 250 lm/W (courbe jaune sur le graphique 1), tout en conservant un IRC de 100 ! Cette idée, sans doute très ancienne, a été mise en pratique pour des lampes halogène commercialisées dans les années 2005. Un revêtement interférentiel multicouches est appliqué sur l’enveloppe contenant le filament. Il laisse passer le rayonnement visible et réfléchit le rayonnement infrarouge « inutile » précisément sur le filament. Ainsi, le cycle halogène est plus efficace. Cette innovation augmente la durée de vie de la lampe et double pratiquement son efficacité lumineuse (3000 h et 21 lm/W pour une lampe de 30 W). Il s’agit sans doute d’un des sauts technologiques les plus importants dans l’histoire, plus que centenaire de la lampe d’Edison !

Prototype de lampe à incandescence plus efficace des chercheurs du MIT, 2016 © MIT  

Ce concept a refait parler de lui début 2016 avec une publication de chercheurs du MIT, Ognjen Ilic, Peter Bermel, Gang ChenJohn D. JoannopoulosIvan Celanovic et Marin Soljačić avec la publication en anglais : Tailoring high-temperature radiation and the resurrection of the incandescent source, Nature Nanotechnology 11 (2016) 320–324. Ces derniers ont fabriqué sur ce principe une lampe prototype de 135 W et 45 lm/W. Mais cette innovation est sans doute arrivée trop tard, le marché a déjà choisi. Difficile en effet d’imaginer que cette technologie puisse un jour concurrencer les LED et leurs performances largement supérieures.

A suivre…

Quelles perspectives pour les LED ?

Approfondir le sujet

Suite de l'article

Introduction Efficacité lumineuse ou rendu des couleurs, il faut choisir
Page 1 Efficacité lumineuse : et si la lampe d’Edison revenait ?
Page 2 Efficacité lumineuse : quelles perspectives pour les LED ?

Lieu

  • ENSI Poitiers
  • Poitiers, France

Équipe du projet

Designer Ingo Maurer
Référence produit d'éclairage Wo bist du, Edison, …?
Comité scientifique MIT Ognjen Ilic Peter Bermel Gang Chen John D. Joannopoulos Ivan Celanovic

Poursuivez votre recherche

Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
0 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.


Articles
connexes