Réalisation

Mary Said What She Said et Bob Wilson nous éblouissent encore

Mary Said What She Said réunit de nouveau Bob Wilson et Isabelle Huppert pour une performance saisissante qui met en scène la vie de Marie Stuart.
17 juillet 2023

Mary Said What She Said, et tout est dit. À peine le rideau se lève et c’est une logorrhée que la performeuse évacue à s’en étouffer. La vitesse et la prononciation millimétrées de ce texte-fleuve déboussolent le spectateur. Avec une bande-son qui vient parfois couvrir ce flot d’informations, on se laisse emporter dans la tempête de ce monologue haletant. Le ton est donné, ce n’est pas un spectacle ordinaire auquel nous allons assister, c’est une expérience à éprouver.

 

Mary Said What She Said – Metteur en scène : Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Rideaux rouge à franges dorées © Lucie Jansch

 

Rideau rouge

Le rideau est encore baissé, mais l’expérience a déjà commencé. Créé dans l’Espace Cardin en 2019, il voit se succéder des propositions souvent immersives. Celles signées Bob Wilson sont à part. Rideau de velours rouge à franges dorées : quoi de plus classique ? Mais sous les lumières du metteur en scène américain, son éclat n’est pas le même. Comme une aura déjà saturée qui vient troubler la vision de l’observateur. Puis il se lève sur un cyclorama coutumier chez ce plasticien. Face à l’abstraction de cet espace vide, deux actrices se répondent : Isabelle Huppert et la lumière.

 

Mary Said What She Said – Metteur en scène : Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Silhouette de Isabelle Huppert avec soulier blanc © Lucie Jansch

 

« Il me vient à l’idée que, de même qu’un corps céleste infléchit la trajectoire du rayon lumineux, l’actrice impose à l’espace sa courbure, et au temps sa relativité. Elle fait dévier la lumière. »

François Regnault, 1 & 2, Théâtral magazine, mai-juin 2019

 

Mary Said What She Said – Metteur en scene Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Éclairage vert du visage de Isabelle Huppert © Lucie Jansch

 

Cyclorama bleu

Décor limité chez Bob Wilson ne veut pas dire pauvre. Bien au contraire ! Avec un dispositif permettant un rétroéclairage et quelques accessoires, on décline une gamme d’ambiances. Dans une mise en scène millimétrée où les mots se désynchronisent des gestes, la lumière varie. Linéaire, découpée, zénithale ou aveuglante, elle évoque le crépuscule d’une femme déchue, ou l’aube d’une condamnation imminente. Avec ce texte qui joue des répétitions, des accélérations et des silences, c’est le processus mémoriel qui est déroulé. Comme ce fameux rembobinage que l’on évoque avant chaque trépas, ce chant du cygne raconte les épisodes plus ou moins anodins de la vie d’un personnage historique.

 

Mary Said What She Said – Metteur en scène : Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Isabelle Huppert avec flamme et papier © Lucie Jansch

 

Robe noire

Si l’expérience « bobwilsonienne » est à vivre en salle, c’est parce qu’elle laisse en chacun de nous une impression rétinienne. Si quelques-uns parviennent à capter sa lumière, aucun appareil n’est capable de restituer la sensation visuelle alors provoquée par chacune de ces nouvelles créations. Ce sont des effets ciselés où la silhouette se confond avec l’ombre et un éclairage graphique qui perturbe la lecture de l’espace. La silhouette de Marie Stuart qui se meut sur un plateau libre devient parfois fantôme grâce aux effets lumineux. L’œil du spectateur en permanence sollicité se laisse surprendre par des apparitions d’objets ou des effets visuels fantasmagoriques. Soudain, les derniers moments de la représentation reprennent ceux du début. L’éclat de vie pour le personnage et de rêve pour les spectateurs prennent fin. Noir.

 

Mary Said What She Said, Metteur en scène : Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Salut final de la troupe © Maxime Brunois

 

 

Approfondir le sujet

 

Photo en tête de l’article : Mary Said What She Said – Metteur en scène : Bob Wilson – Espace Cardin, Paris, France – Silhouette de Isabelle Huppert dans la fumée © Lucie Jansch

Équipe artistique

Mise en scène Robert Wilson
Assistante à la mise en scène Charles Chemin
Scénographe Robert Wilson Annick Lavallée-Benny
Créateur lumière Robert Wilson Xavier Baron
Texte Darryl Pinckney
Texte français Fabrice Scott
Musique Ludovico Einaudi
Chorégraphe Fani Sarantari
Comédiens Isabelle Huppert
Costumes Jacques Reynaud Pascale Paume
Maquillage Sagar Design
Créateur coiffures Jocelyne Milazzo
Environnement sonore Sagar Design

Équipe technique

Production Théâtre de la Ville de Paris
Coproduction Wiener Festwochen Teatro Della Pergola, Florence Internationaal Theater Amsterdam Thalia Theater, Hamburg
Partenaires Edm Productions Elisabetta Di Mambro

Livres

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Lieu

  • Espace Cardin
  • Paris, France

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Chargé de projet au sein de l'agence Concepto avec un master de l’École d’architecture de la ville et des territoires Paris-Est et un BTS Design d’Espace de l’ESAA Duperré, où il anime des ateliers. Stagiaire au sein des agences 8'18", Concepto, TVK et ON, il a contribué à l’ouvrage de l’ACE aux Éditions du Moniteur, "Places du Grand Paris" pour la SGP, et traduit un texte de Gerhard Auer intitulé "Vivre la sobriété en éclairage" avant de participer à l'édition de "Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050" chez Light ZOOM Lumière où il occupe un rôle de rédacteur.
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