Interview

Michel Perraudeau, la lumière au naturel

Depuis 35 ans au CSTB, Michel Perraudeau étudie comment prendre en compte la lumière naturelle pour l’éclairage à l’intérieur des bâtiments. Rétrospective.
29 novembre 2018

Quels sont les apports de vos travaux sur la prise en compte de l’éclairage naturel ?

Michel Perraudeau : mes travaux ont porté sur le climat lumineux avec la mise en place d’une plateforme de mesures sur un des toits du CSTB. J’ai étudié les notions de disponibilité de la lumière du jour, d’efficacité lumineuse du rayonnement solaire, et d’indice de nébulosité. Ce dernier indice permet de spécifier des types de ciels pour indiquer s’ils sont plus ou moins couverts. Nous avons alors proposé des modèles de ciels, c’est-à-dire une distribution de la luminance du ciel sur tout l’hémisphère qui dépend de la position du soleil et de cet indice de nébulosité.

Les modèles de ciels proposés par la CIE ont été conçus dans le même esprit. Cependant, contrairement à nos modèles, ils ne peuvent pas être reliés directement à des relevés météo.

Plateforme de mesure du climat lumineux sur le toit du CSTB
Plateforme de mesure du climat lumineux sur le toit du CSTB © CSTB

Comment ont évolué les techniques de simulation de la lumière naturelle ?

Michel Perraudeau : l’apport de l’éclairage naturel a d’abord été étudié avec des maquettes sous un ciel artificiel avant que les outils de simulations numériques se généralisent dans les années 1990. A part pour des projets très complexes, l’analyse de l’éclairage naturel est aujourd’hui faite par des bureaux d’études thermiques. C’est parfois un peu critique car ces logiciels sont utilisés par des personnes qui n’ont souvent pas de formation en éclairage.

Principes thermiques et ventilation naturelle, cour du midi, Grand Hôtel-Dieu, Lyon © AIA Life Designers

Comment est pris en compte l’éclairage dans les réglementations thermiques (RT) pour le bâtiment ?

Michel Perraudeau : jusqu’à la RT2000, la consommation maximale d’énergie dédiée à l’éclairage était limitée par une quantité forfaitaire pour tout le bâtiment, exprimée en kWh par m2 par an. Par la suite ont été pris en compte les systèmes de contrôle de régulation et de gestion de l’éclairage ainsi que les apports en lumière du jour. Pour moduler la limite de consommation autorisée, nous avons proposé un indice de clarté qui dépend de la surface vitrée, de la profondeur de la pièce, de son orientation et de la zone climatique. A partir de de la RT2005, les apports de lumière du jour et les besoins en éclairage artificiel sont exprimés de manière horaire sur la base de données météo.

Pour la RT2020, un nouveau bâtiment devra produire de l’énergie couvrant ses besoins énergétiques ou les surpassant. Ces bâtiments sont dits « à énergie passive ou positive ». Avec le déploiement des luminaires LED, la limite de consommation pour l’éclairage sera à nouveau abaissée.

Qu’en est-il du label Haute Qualité Environnementale (HQE) ?

Michel Perraudeau : le label HQE est une certification qui met l’accent sur le confort dans le bâtiment. Il est constitué de 14 cibles à atteindre dont une concerne le confort visuel. Cet aspect se décline lui-même en trois items : le besoin, l’absence de gêne et l’agrément. Pour l’éclairage artificiel, les critères de la norme européenne en éclairage intérieur – EN 12464-1 – ont été repris. Pour l’éclairage naturel, Le CSTB a proposé de nouveaux critères qui s’appuient sur la prochaine norme sur l’éclairage naturel qui sortira en fin d’année – EN 17037. Auparavant, le critère était un facteur de lumière du jour (FLJ) à respecter, c’est-à-dire un ratio exprimé en % entre l’éclairement en lumière naturelle sur une surface utile et l’éclairement direct mesuré à l’extérieur.

Schéma explicatif du facteur de lumière du jour © Énergie+

Nous avons introduit un critère lié à la notion d’autonomie en lumière naturelle, c’est-à-dire la durée durant laquelle l’éclairage naturel apporte un éclairement supérieur à celui recommandé pour l’activité pratiquée.

Comment est quantifiée la gêne d’éblouissement par l’éclairage naturel ?

Michel Perraudeau : pour le label HQE, c’est basé sur le choix de la protection solaire. Une autre possibilité serait de calculer l’indicateur d’éblouissement DGP (Daylight Glare Probability). Basé sur l’estimation de l’éclairement sur le plan de l’œil, cet indice donne un pourcentage de personnes gênées dans une configuration donnée. Comme la DGP va être mentionnée dans la norme EN 17037, les logiciels de simulation devraient intégrer un module permettant son calcul.

Éclairage de bureaux en lumière indirecte et lumière naturelle latérale © Portra, iStock, ThinkstockPhotos

Quels sont les nouveaux enjeux ?

Michel Perraudeau : la norme EN 17037 sera la première dédiée exclusivement à l’éclairage naturel ! C’est donc une étape importante même si elle a été rédigée de façon à laisser une marge d’interprétation.

Une autre nouveauté sera la suppression de la « règle du sixième ». Dans l’habitat neuf, la surface vitrée devait représenter au moins un sixième de la surface habitable. Cette règle sera remplacée par un critère d’autonomie en lumière naturelle dans chacune des pièces.

Vue sur le jardin de l’étage – Maison passive pour jeunes retraités, Gouesnac’h, Finistère – Architecte et photo : Katia Hervouet, OGMA Architecture

Plus globalement, un enjeu pour le futur serait que le dimensionnement des ouvertures d’un nouveau bâtiment ne soit pas uniquement fait sur des considérations thermiques mais intègre également les aspects d’éclairage.

Propos recueillis par Lionel Simonot, le 27 septembre 2018 à l’ENSI Poitiers

A suivre…

Michel Perraudeau, ingénieur en éclairage au CSTB

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Équipe du projet

Laboratoire de recherche CSTB Michel Perraudeau

Lieu

  • CSTB - Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
  • Nantes, France

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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
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