Interview

JMW Studio : artiste ou artisan, faut-il choisir ?

JMW Studio est abrité par Le Viaduc des Arts. Ouvert sur la rue, il pose la question de l’artisanat. Interview de Jeremy Maxwell Wintrebert.
28 avril 2023

C’est quoi la différence entre l’art et l’artisanat ?

Jeremy Maxwell Wintrebert : tout ça est très compliqué. Un artiste, quelque part, est libéré des contraintes d’un savoir-faire et d’une matière et va explorer des concepts qui vont ou pas contribuer à la conscience collective de façon abstraite. L’artisan, il part de la réalité et il fait pousser la réalité de l’intérieur vers l’extérieur.

Verre au bout d’une canne dans l’atelier d’un artiste artisan – JMW Studio © Marion Saupin

Alors que choisir ?

Jeremy Maxwell Wintrebert : en fait, la plupart des artisans ont une vocation créative. Et très rapidement, ils vont se retrouver à faire des choix et sacrifier certaines choses sans en prendre la mesure. C’est-à-dire que, à un moment, il faut que tu vives de ton travail. Donc, c’est très difficile de vendre son propre travail. Par contre, il y a plein de gens qui veulent que tu leur fabriques des choses. Donc en faisant ça, en fait, tu dévalorises, quelque part, ta créativité. Puisque tu la mets au service de quelqu’un d’autre qui lui va te brider et va, quelque part, essayer de te payer le moins possible. Et comme la France est un pays qui est très intellectuel et qui aime bien tout mettre dans des boîtes, il y a une différence entre un artisan qui fabrique une table et un artiste qui peint un tableau.

Artiste artisan du verre dans son atelier avec flamme – JMW Studio © Maxime Brunois

Et Le Viaduc des Arts, c’est pas mal pour revaloriser tout ça ?

Jeremy Maxwell Wintrebert : tu dis ça et en même temps, c’est dévalorisant. L’accessibilité dévalorise la puissance de l’intimité. C’est-à-dire, quand tu vas à un salon d’art, à la FIAC, à Art Basel enfin les grands trucs, c’est les galeries qui présentent du travail. T’as jamais un artiste avec un établi qui peint un tableau. Ça serait ridicule. Pourtant, à l’inverse, les artisans, on attend ça un peu d’eux. Alors c’est bien dans le partage. Moi j’ai fait un choix d’être ici parce que c’est une façon de défendre mon métier et je suis très content de pouvoir le faire. Mais ça rend la tâche plus difficile pour moi. Si je sortais de nulle part, si mes œuvres sortaient de nulle part, que j’avais un énorme atelier à la campagne auquel personne avait accès, le mystère de l’intimité créative serait beaucoup plus puissant.

Atelier d’un artiste artisan du verre sous une arche – JMW Studio © Maxime Brunois

Mais c’est peut-être nécessaire pour survivre ?

Jeremy Maxwell Wintrebert : l’artiste est très égoïste dans sa créativité. C’est une petite île seule. Un artisan, par contre, représente, des fois, des milliers d’années de savoir-faire, d’outillage. Donc, quand l’artisan disparaît, il y a beaucoup de choses qui disparaissent. La vérité, c’est que on est à un moment dans l’histoire, où, en gros, la conscience collective a besoin de se satisfaire très vite. Tu veux être souffleur de verre, comme mon métier, c’est minimum dix ans et dix ans t’es « mi-cuit » ! Moi j’ai des jeunes souffleurs de verre qui sont à l’école aujourd’hui, qui font un stage ici et qui veulent être bons, riches et connus en quatre ans. Et aujourd’hui, c’est vrai que on appuie sur le bouton et faut « maintenant » quoi. Mais ce n’est pas dans les codes de l’artisanat. Pas du tout. Il y a pas un bouton que je puisse appuyer pour accélérer mon processus d’apprentissage. Pas un.

Atelier d’un artiste artisan du verre derrière une vitrine – JMW Studio © Maxime Brunois

A suivre…

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Lieu

  • JMW Studio
  • Paris, France

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Chargé de projet au sein de l'agence Concepto avec un master de l’École d’architecture de la ville et des territoires Paris-Est et un BTS Design d’Espace de l’ESAA Duperré, où il anime des ateliers. Stagiaire au sein des agences 8'18", Concepto, TVK et ON, il a contribué à l’ouvrage de l’ACE aux Éditions du Moniteur, "Places du Grand Paris" pour la SGP, et traduit un texte de Gerhard Auer intitulé "Vivre la sobriété en éclairage" avant de participer à l'édition de "Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050" chez Light ZOOM Lumière où il occupe un rôle de rédacteur.
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