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Domaine visible des couleurs de la lumière

Du violet au rouge, le domaine du visible de la lumière correspond à une petite bande spectrale du rayonnement électromagnétique. Et ses limites ?
25 février 2021

Quel est le domaine visible, l’ordre des couleurs de la lumière et ses limites ? L’observation d’un arc-en-ciel nous donne l’ordre des couleurs spectrales. Aux couleurs dites froides (bleu, vert) succèdent les couleurs chaudes (jaune, orange, rouge). On doit à Newton la compréhension qu’une lumière blanche est composite et que ces rayonnements colorés en sont les composants élémentaires. Newton a une autre intuition géniale qui n’est pas celle d’un physicien. Alors que les couleurs se répartissent de façon linéaire à la sortie d’un prisme, Newton les représente sous forme d’un disque reliant ainsi les deux extrémités du spectre.

Disque des couleurs de Isaac Newton © Opticks, 4th ed., 1730. From Book I, Part II, Proposition VI, Problem 2. This figure is nearly unchanged from that in the 1704 first-edition printing

Newton insiste sur l’analogie avec une gamme musicale. Il définit ainsi sept couleurs comme autant de notes se répartissant sur une octave. La continuité perceptive des teintes entre les extrémités violette et rouge se fait sur la note (notée D en anglais). Newton n’oublie pas les teintes non spectrales obtenues en mélangeant des lumières violette et rouge qu’il nomme pourpres mais auxquelles il n’attribue aucun secteur angulaire de son disque chromatique, juste cette note .

Spectrum locus et droite des pourpres

Le disque de Newton est l’ancêtre du diagramme de chromaticité défini par la Commission Internationale de l’éclairage – CIE – en 1931, et toujours d’usage aujourd’hui. Certes, l’aspect circulaire a disparu mais le principe est le même : les couleurs spectrales en constituent la périphérie, appelée spectrum locus. Les deux extrémités sont reliées, non pas en un point, mais en une droite des pourpres.

Diagramme de chromaticité xy CIE1931 © Lionel Simonot

Domaine du visible CIE

Mais où finit le visible et où commence l’invisible ? En raison de la continuité des propriétés de ces rayonnements optiques, les frontières sont plutôt floues. Commençons par la définition « officielle » de la CIE : les bornes seraient 380 et 780 nm. Pour ceux qui préfèrent les nombres ronds, 400 et 800 nm présentent en outre l’avantage d’avoir un facteur 2 entre les deux valeurs limites, ce qui reprend l’idée chère à Newton de représenter l’ensemble des couleurs spectrales sur une octave (du rouge au violet, la fréquence de l’onde est en effet multipliée pratiquement par 2).

Au-delà du visible

Cette représentation fermée du visible par Newton a peut-être en contrepartie découragé les savants à explorer les propriétés au-delà du visible. Il faut attendre en effet 1800 pour que Herschel mette en évidence les propriétés de rayons invisibles situés avant le rouge. Il place pour cela des thermomètres qu’il déplace en sortie d’un prisme. L’augmentation de température est maximale au-delà du visible, pour des rayonnements bientôt appelés infrarouges.

Expérience de Herschel pour la mise en évidence des effets de rayons invisibles sur la température – Lumière et chaleur – Thermomètre, 1800 © William Herschel

En 1801, Ritter démontre que des radiations existent, cette fois au-delà du violet, capables de réagir avec le chlorure d’argent. Il fallut plusieurs décennies pour comprendre que ces différents rayonnements formaient un continuum de même nature.

Limites floues pour l’invisible

La CIE a aussi défini une version étendue du visible de 360 à 830 nm, rayonnements pour lesquels l’œil humain est toujours sensible même très faiblement. Pour les rayonnements entre 360 et 380 nm d’une part, et entre 700 et 830 nm d’autre part, l’œil perçoit la même teinte. Autrement dit, ces rayonnements sont représentés par les mêmes points sur le diagramme de chromaticité CIE1931. La version plus restreinte du visible irait ainsi de 380 (voire 400) à 700 nm. Le schéma suivant résume les différentes propositions.

Définitions des domaines du visible de la lumiere © Lionel Simonot

Synthèse additive RGB

Les systèmes de reproduction de couleur comme les écrans ou les vidéoprojecteurs reposent sur la synthèse additive à l’aide généralement de trois primaires : rouge, vert et bleu. Avoir des primaires bleue et rouge les plus proches des limites du visible permettrait de reproduire un plus grand nombre de couleurs.

À contrario l’efficacité lumineuse de ces primaires et donc du système RGB serait particulièrement faible. Il y a donc un compromis à trouver.

Ultra haute définition UHDTV

À titre d’exemple, on peut citer la recommandation Rec. 2020, standard pour l’industrie audiovisuelle pour l’ultra haute définition (UHDTV). Les primaires considérées sont monochromatiques :

  • 630 nm pour le rouge,
  • 532 nm pour le vert,
  • 467 nm pour le bleu.

Droite « pratique » des pourpres

Ainsi, le domaine visible accessible par un système RGB est très restreint, même pour ce standard de l’ultra haute définition (467-630 nm). Sur le diagramme de chromaticité, on peut appeler « droite pratique des pourpres », la droite reliant les points correspondant à la primaire bleue et à la primaire rouge. Au-delà de cette droite, les couleurs pourpres – de très faibles efficacités lumineuses – ne peuvent être reproduites.

Système RGB pour le standard Rec. 2020-dans le diagramme-de chromaticité xy CIE1931 © Lionel Simonot

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Photo en tête de l’article : arc-en-ciel secondaire © Fabien1309, Wikipédia

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Équipe du projet

Chercheur Isaac Newton William Herschel Johann Wilhelm Ritter
Association CIE

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Thèmes Articles Technique Média Télévision Scientifique Science Physique / Chimie
Sujets Spectre lumineux
Effets lumière Lumière blanche Lumière colorée
Techniques d'éclairage Éclairage naturel Éclairage artificiel
Professions Chercheur Physicien
Supports Dessin Graphique
Source Lionel Simonot
Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
  • Cet article est une parfaite vulgarisation de l’état de l’art.
    Je voudrais pouvoir l’incérer à mon cours en Anglais.
    Auriez vous une version traduite?
    Bien à vous
    Albert Jobbé duval

  • Grand merci pour vos articles « éclairants » pour des néophytes…
    Je suis peintre plasticienne et utilise depuis qques temps la fluorescence et phosphorescence, dans un travail de recherche, pour exprimer l’idée selon laquelle, dans l’univers, tout est déjà présent mais tout n’est pas visible pour autant…j’utilise donc la lumière noire. Je fais une exposition au mois de Juin, aussi pourrais-je me permettre de vous citer dans le texte que je prépare pour introduire cette approche?
    Je reste dans l’attente de votre réponse.
    Bien cordialement A.L.B

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