Soleil, un élément fondamental des projets d’architecture
Fin mai dernier, je suis allé visiter l’exposition Sun Shines on Architecture à la galerie Archizoom, de l’EPFL de Lausanne. Produite à l’occasion de la deuxième édition de la Solar Biennale, coordonnée par le Mudac, c’était une rétrospective pertinente, instructive et complète pour les architectes et les métiers de l’art de bâtir. Elle explorerait les relations entre l’architecture et le soleil à travers six chapitres historiques. Comment l’utilisation de cette source d’énergie, tant passive qu’active, est-elle un élément fondamental dans les projets de rénovation et de nouvelles constructions ?

Soleil, un élément fondamental des projets d’architecture
- Soleil rituel dans la vie et le bâti
- Laisser le soleil briller à l’intérieur
- L’âge solaire : premières maisons chauffées à l’énergie solaire et habitée
- Traversée du désert pour le solaire
- Mouvement solaire depuis l’an 2000
- Photovoltaïque comme matériau de construction
- Projets d’architecture en représentation
- Stand Up For Science !
- Approfondir le sujet
- Commentaires

Soleil rituel dans la vie et le bâti
Lumière, vie et architecture
La lumière est essentielle pour notre bien-être physique et émotionnel. Un bon équilibre entre quantité et qualité de l’éclairage, ainsi qu’une connexion avec la lumière naturelle sont cruciaux, tant pour notre santé que pour notre confort. Elle impacte en outre notre perception de l’environnement bâti.

Quelles sont les variations de la lumière du soleil et du ciel ? Redécouvrez les en reportage photo d’architecture et de paysage :
- Lumière naturellle, architecture et paysage en été
- Lumière naturelle, architecture et paysage en automne
- Lumière naturelle, architecture et paysage en hiver
- Lumière naturelle, architecture et paysage au printemps
Soleil rituel dans l’architecture
Essentiel à la survie sur terre, le soleil est devenu un symbole d’autorité. Le deuxième chapitre explore son lien sacré avec le pouvoir. Il souligne son influence sur les légitimités politiques et religieuses à travers l’histoire. Quatre constructions historiques sont présentées ici.
- Newgrange, site mégalithique, Irlande, environ 3200 avant J.-C.
- Panthéon, Rome, Italie, 113-125 après J.-C.

- Toghrol tower, Rey, Iran, 1063.
- The Observatory, Lelystad, Pays-Bas, 1977.

Laisser le soleil briller à l’intérieur
Révolution industrielle
La révolution industrielle a permis l’utilisation de nouveaux matériaux, comme l’acier et le verre. Ils permettent ainsi d’agrandir les fenêtres et d’améliorer l’accès à la lumière naturelle. Parmi les exemples présentés, retenons :
- Lovell Health House, Californie, USA, 1929 – Architecte : Richard Neutra,
- Villa Girasole, Marcellise, région de Vérone, Italie, 1935 – Architecte naval : Angelo Invernizzi,


- House of Tomorrow, Beverly Shores, Indiana, USA, 1933 – Architecte : George Fred Keck,
- Druzhba Holiday Center Hall, Yalta, Ukraine, 1985 – Architecte : Igor Vasilevsky – Ingénieur : Yurij Stefanchuk.
Chaque composition est éclairée par un projecteur LED fixé en plafond au grill de la salle. Il éclaire uniformément les plans et les photos.

Notons que le niveau d’éclairement des cartels est faible, ce qui rend la lecture difficiles des très petits caractères des textes.


Études en serre
Le soleil est transformé en une source d’énergie efficace. Il redéfinit les modes de vie, comme le montrent 34 études de cas réalisées entre les années 1900 et 2000, avec l’intégration des serres aux logements.

Ici, chaque projet est présenté avec :
- une maquette en carton blanc et calque pour la serre,
- un plan d’architecture de l’habitat avec l’emprise de la serre,
- une coupe transversale du logement avec le volume de la serre.
Un travail issu de l’atelier de projet Greenhouse Studies et d’une recherche doctorale de Tiago P. Borges du laboratoire EAST-EPFL.

Entre deux murs de polycarbonate alvéolaire, l’éclairage avec des réglettes fluorescentes est asymétrique. Mais la réflexion dans le plastique lui-même n’est pas maîtrisée. Cela crée des halos lumineux sur le matériau.

L’âge solaire : premières maisons chauffées à l’énergie solaire et habitée
Au XXe siècle, la conversion directe de l’énergie solaire en électricité devient une réalité grâce à des avancées technologiques. Dès la fin des années 1930, des maisons chauffées à l’énergie solaire apparaissent, marquant le début de l’énergie solaire active. Les pénuries durant la Seconde Guerre mondiale et le choc pétrolier de 1973 stimulent la recherche sur des alternatives aux énergies fossiles. L’invention du panneau solaire photovoltaïque en 1954 offre de nouvelles perspectives pour une électricité durable. Cependant, malgré ces avancées, l’intégration de l’énergie solaire dans la construction est freinée par des défis techniques et des obstacles sociétaux, notamment la lutte des femmes scientifiques comme Maria Telkes. Ainsi, l’implémentation à grande échelle de ces technologies demeure limitée.

Dover Sun House – Système de chauffage développé par la physicienne Mária Telkes, 1948
Maisons alimentées par le soleil
Dans les années 1950, de nombreux architectes explorent des architectures efficaces. Ils intègrent alors les principes de l’énergie solaire, tant passive qu’active, combinant des formes héliocentriques et des façades biseautées.
- Dover Sun House, première maison chauffée à l’énergie solaire et habitée, Doven Massachusetts, USA, 1948 – Architecte : Eleanor Raymond – Physicienne : Maria Telkes.

- MIT Solar House IV, maison chauffée à l’énergie solaire, Lexington, Kentucky, USA, 1959 – Architecte : Lawrence B. Anderson – Ingénieur : Austin Whillier,
- Solar House, maison chauffée à l’énergie solaire, Odeillo, Font-Romeu-Odeillo-Via, France, 1967 – Architecte : Jacques Michel – Ingénieur : Félix Trombe,
- Heliotrop House, maison solaire tournante à bilan énergétique positif, Fribourg-en-Brisgau, Allemagne, 1994 – Architecte solaire : Rolf Disch.

Ces systèmes, tels que le chauffage solaire, les collecteurs d’air et d’autres dispositifs de stockage thermique, et les premières maisons alimentées par le soleil, considérées comme trop technologiques, ne seront pas couronnés de succès, comme le montrent les exemples de cette exposition.
Traversée du désert pour le solaire
Après la crise pétrolière de 1973, l’architecture solaire se trouve au point mort. Divers facteurs économiques, techniques, réglementaires et esthétiques sont en cause.
Facteurs économiques
Bien que le besoin d’alternatives énergétiques soit pressant, la stabilisation des prix du pétrole dans les années 1980 réduit cet impératif. « Les nouveaux gouvernements de Ronald Reagan aux États-Unis et de François Mitterrand en France réorientent leur politique vers le pétrole et le nucléaire, et signent l’arrêt des programmes sur les énergies renouvelables », peut-on lire sur un cartel de l’exposition. Une situation qui n’est pas sans rappeler le désengagement du gouvernement français d’Emmanuel Macron sur le photovoltaïque depuis quelques mois. Mais l’histoire est un éternel recommencement…

Facteurs techniques
À cette époque, le développement de l’énergie solaire est entravé par plusieurs défis. Par exemple, la fiabilité des systèmes, l’intégration à des constructions existantes et le manque de solutions de stockage de l’énergie. Les capteurs solaires sont souvent difficiles à installer, surtout dans les logements sociaux. Leur coût élevé pousse les promoteurs à privilégier des solutions alternatives, comme la superisolation.
Facteurs esthétiques
De plus, des réticences esthétiques existent ; aux États-Unis, la technologie solaire est jugée incompatible avec l’architecture, tandis qu’en France et en Suisse, les capteurs sont considérés comme inesthétiques. Ces obstacles freinent l’adoption de l’architecture solaire dans les années 1980, malgré les avancées technologiques.

Mouvement solaire depuis l’an 2000
L’innovation, le soutien politique et la sensibilisation du public propulsent le mouvement solaire vers l’indépendance énergétique. Ce mouvement inclut l’utilisation de technologies solaires, comme les panneaux photovoltaïques et les systèmes solaires thermiques, ainsi que le solaire passif.
Perspectives d’études : pas seulement du solaire
L’architecture solaire dépasse les simples dispositifs photovoltaïques ou thermiques. Elle adopte une vision dynamique du bâtiment. Ainsi, la recherche académique, comme à l’EPFL en Suisse, met en avant des applications qui considèrent l’enveloppe comme un système interactif. Il devient capable de s’adapter aux conditions environnementales du changement climatique. Le système énergétique intégré exploite alors toutes les ressources disponibles : énergie solaire, ombre, vent et géothermie. Il combine les approches passives et actives de l’architecture.

Favorisant des projets pluridisciplinaires, cette méthode nécessite une collaboration étroite entre ingénieurs et autres professionnels du bâtiment. Un processus de conception basé sur un dialogue constructif permet de créer des bâtiments non seulement esthétiques, mais aussi performants et durables. Les bâtiments les plus efficaces sur le plan énergétique sont souvent ceux issus d’une équipe de conception intégrée dès le début du projet.
Deux maisons avec des panneaux solaires en nanofilm
Au milieu des vignobles de Chigny en Suisse, l’intervention de l’architecte Dieter Dietz prend racine au cœur d’un paysage évocateur. Il est dominé par un châtaignier bicentenaire et un sycomore majestueux. Ce cadre idyllique abrite un ensemble de maisons du XIXe siècle, harmonieusement intégrées dans le paysage environnant. Le projet respecte les caractéristiques rurales de cet endroit, où des volumes isolés offrent un refuge aux activités quotidiennes.

En ajoutant une maison au design inspiré des granges, un nouvel équilibre se crée parmi les arbres. Le jardin devient le véritable cœur de cet espace, autour du pressoir rénové et de la nouvelle grange. Ils forment une cour au sein de ce paysage rural. Recouvert de panneaux photovoltaïques en nanofilm, des châtaignes tomberont sous un nouveau toit. Ces couches ultra-minces de matériaux solaires fournissent une énergie précieuse aux deux maisons. Quand l’environnement cohabitent en parfaite harmonie !

Vers des rationalités collectives
La mutualisation de la production d’énergie dans l’habitat collectif offre d’importantes économies d’échelle. Les panneaux solaires ne sont plus limités aux toitures des bâtiments. Bien que cette technologie soit plus coûteuse et complexe, elles s’intègrent désormais bien mieux à l’architecture. Ces façades photovoltaïques remplissent alors souvent plusieurs fonctions : garde-corps ou brise-soleil, tout en restant efficaces en hiver.

La rénovation des bâtiments anciens renferme une grande quantité d’énergie grise. Elle permet d’améliorer leur bilan énergétique. Selon l’ADEME, la protection des ressources passe par la rénovation. Les études de Transsolar indiquent qu’en préservant les bâtiments existants, les émissions de carbone peuvent être réduites de près de 90 %.


Tour H1 Redwood avec des panneaux solaires à l’horizontal
Exemple pertinent présenté dans l’exposition : la tour H1 Redwood en bois et béton zurichoise du quartier Zwhatt à Regensdorf. Les architectes Boltshauser Architekten et Pensimo ont disposés des panneaux solaires à l’horizontal tout autour de la façade à chaque étage. Ils servent à la fois de protection solaire, et la production d’énergie et donne du caractère au bâtiment.

Les installations photovoltaïques, tant sur la façade que sur le toit, génèrent près de 150’000 kWh chaque année. Cela représente un tiers des besoins en électricité du bâtiment abritant 156 appartements et environ 770 m² de bureaux. Une avancée significative vers l’autoconsommation d’énergie plus verte et durable.

Photovoltaïque comme matériau de construction
La relation entre le soleil et l’architecture repose sur des matériaux en constante évolution. Elle nécessite une connaissance approfondie de leurs propriétés. Bien que certaines alternatives écologiques aient émergé, elles peuvent parfois se révéler trompeuses. La raison : des ressources limitées ou des technologies complexes, engendrant des effets secondaires en rebond.
Pour évaluer les matériaux, les architectes doivent prendre en compte l’efficacité fonctionnelle et constructive, même si la définition de ces critères reste complexe. Ainsi, l’intégration des techniques solaires modifie l’architecture, mais les critères traditionnels d’évaluation sont bel et bien maintenus.

Pour mesurer l’impact qualitatif du solaire dans le bâti, il est crucial d’analyser les bénéfices énergétiques et économiques, tout en considérant les principes de Vitruve :
- firmitas (solidité),
- utilitas (utilité),
- venustas (beauté).
À la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) de l’EPFL, des recherches visent à développer des produits solaires tout en améliorant leur intégration dans l’architecture. Plusieurs étaient présentées dans l’exposition à Lausanne.
Projets d’architecture en représentation
Les interactions entre le soleil, l’architecture et nos territoires sont variées. L’astre solaire représente une source d’énergie, mais aussi de chaleur indésirable et de lumière. Avec le réchauffement climatique, les défis liés à ces aspects se font plus pressants. Illustrant ainsi ces enjeux techniques et poétiques, l’exposition met en lumière des exemples historiques de monuments, de constructions contemporaines en Suisse et de travaux des laboratoires de l’EPFL.

Sur l’ensemble de l’exposition Sun Shines on Architecture, chaque bâtiment est présenté de la même manière :
- un plan d’architecture,
- une coupe transversale de l’édifice,
- un diagramme d’ensoleillement orienté avec les courbes des solstices et équinoxes,
- trois à cinq dessins et photographies du lieu,
- nom, ville, pays et année d’inauguration du lieu,
- nom de l’architecte et de l’ingénieur
- une présentation du lieu,
- une minibiographie de l’architecte,
- le tout en français et anglais.
Le manifeste de la Solar Biennale souligne que l’heure du solaire est enfin arrivée, mais il ne suffit pas d’utiliser simplement l’énergie solaire. Il est essentiel d’adopter une philosophie de design solaire qui soit globale et intégrée.
Félicitations à l’équipe d’Archizoom à l’EPFL pour cette exposition remarquable qui fera date. A quand une présentation en France à Lyon au musée des Confluences ou à Paris à la Cité de l’Architecture ?

Stand Up For Science !
Comment l’architecture doit-elle répondre à la problématique de la surchauffe en intégrant de manière harmonieuse les énergies solaires passives, photovoltaïques et thermiques ? Un simple ajout de panneaux solaires ne suffira pas pour compenser la consommation excessive liée aux normes de confort actuelles. Une transformation des usages s’avère nécessaire, avec un modèle de confort adaptatif qui accepte une plus grande flexibilité des températures intérieures.
Malgré les avancées technologiques, la consommation énergétique mondiale continue d’augmenter. Le solaire ne remplace pas encore les énergies fossiles. Il est essentiel que les efforts pour développer l’énergie solaire se poursuivent. Il faut qu’ils soient soutenus par l’engagement des pouvoirs publics et des citoyens. Les politiques irresponsables pour notre planète doivent cesser. Il est urgent de défendre la science de manière engagée, conclut un cartel de l’exposition de l’EPFL. Un écho à Stand Up For Science !

Approfondir le sujet
- Soleil·s : Solar Biennale 2 à Lausanne, Mudac et EPFL
- Lumières en soi(e), du poétique et solaire par Creatmosphere à Lyon
- Marjan van Aubel, designer solaire, réfléchit à la lumière
Photo en tête de l’article : Maison, Chigny, Suisse, 2017 – Pignon avec cellules solaires brise soleil, éclairage intérieur – Architecte Dieter Dietz – Photo © Mikael Blomfelt
Équipe du projet
Lieu
- Archizoom
- EPFL - École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, Suisse
Livres
Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, un livre collector
![]() |
Le phénomène éclairage a vécu une mutation. Ville, architecture, conception lumière, pollution lumineuse... Qu'en sera-t-il demain ? |
Vivre la sobriété en éclairage, traduit par Maxime Brunois
![]() |
Qu’est-ce que la lumière vivante ? En architecture et habitat, Gerard Auer en donne une explication dans Vivre la sobriété en éclairage. |
Daylight Performance of Building, Marc Fontoynont
![]() |
Synthèse de la recherche en Europe sur la lumière du jour. Le livre de référence en architecture de Marc Fontoynont. Daylight Performance of Building. |