Sharing : Orange Blossom + François Delarozière
Carlos Robles Arenas, producteur musical d’Orange Blossom a demandé à François Delarozière d’intervenir sur la scénographie du dernier spectacle du groupe, Sharing. La musique électronique se mêle à la world music, aux influences arabes et occidentales. Sharing a été présenté début mai à Onyx La Carrière de Saint-Herblain près de Nantes. Interview avec le scénographe, François Delarozière, à l’occasion de la première.
Quelle est l’origine de cette collaboration ?
François Delarozière : à la suite d’un premier contact et de ma découverte du groupe nous avons décidé d’intervenir sur la lumière dans cette nouvelle création. Avec des « machines-lumière », mais cela aurait pu être sur tout-à-fait autre chose…
Comment est venue l’idée de travailler la lumière ?
François Delarozière : le groupe avait déjà un intérêt pour la lumière. Pour leur dernier spectacle, leur scénographe avait créé des lampes spécifiques constituées notamment de lampes de bureau. J’ai eu la volonté de m’inscrire dans la continuité de cette démarche et m’en suis inspiré.
Que t’a inspirée la musique dans la scénographie ?
François Delarozière : la musique d’Orange Blossom est évocatrice d’ambiances nourries de montées sonores et de grosses nappes de son. Pour moi, elle évoque des « musiques paysages ». J’ai voulu faire en sorte que la lumière et les machines-lumière interviennent par leur mouvement, mais aussi par la lumière qu’elle produisent, avec l’intention de produire des tableaux.
Comment la forme des machines-lumière a-t-elle été conçue ?
François Delarozière : j’ai dessiné, dans un premier temps, des bras mécaniques. Puis j’ai cherché pour la terminaison de ces machines, leur tête lumineuse. Je cherchais quelque chose d’organique.
François Delarozière : nous avons budgétisé un premier jet, issu de mon dessin, mais cela revenait trop cher d’utiliser les bras pantographiés que j’avais dessiné. C’est « Snoise », le technicien lumière du groupe, qui a créé la lumière qui m’a dit qu’en fait ce type de têtes existait déjà, [ndlr : des projecteurs asservis]. Du coup, nous sommes partis sur l’idée de greffer ces projecteurs automatiques sur les machines. Ces automates fonctionnent sur cinq axes. Du coup, ils formalisent bien le côté organique que je cherchais.
Tu inventes une machine, puis la lumière est à créer ?
François Delarozière : oui, la machine doit être sur scène, intégrée au dispositif scénographique. C’est l’univers d’Orange Blossom qui doit dominer et les machines que j’ai dessiné viennent accompagner, simplement « ajouter une touche ». Si les machines prennent le dessus, ce n’est plus la même chose, cela devient un spectacle de machines, mis en musique par d’Orange Blossom, ce que nous ne voulons pas
Comment le groupe a-t-il « reçu la lumière » ?
François Delarozière : tout d’abord, nous nous sommes vus au fil d’une période de conception, puis nous avons réalisé une résidence à Stereolux. Le groupe a pris la mesure du projet, de sa complexité, l’équipe a dû domestiquer les machines. Comme s’il s’agissait d’une machine vivante qui pourrait, par un « faux mouvement », s’avérer dangereuse, notamment pour la chanteuse et ceux qui sont sur scène, l’équipe doit s’adapter. Et ce n’est pas fini : il va falloir du temps pour pleinement trouver ses marques.
Comment ces machines sont-elles pilotées ?
François Delarozière : elles sont pilotées électriquement, hydrauliquement et munies de servomoteurs. Il a fallu adjoindre un automate, lui-même piloté en DMX 512 par le jeu d’orgues avec un système d’encodage assez particulier et un logiciel qui va lisser les courbes, avec point de départ et d’arrivée. La machine choisit son passage, lorsqu’elle revient, en fait elle ne fait pas le même chemin dans un sens et dans l’autre. Il a donc fallu pointer tous ses mouvements et ses déplacements. Tout cela a représenté un long travail de programmation…
Pourquoi ne pas avoir choisi un manipulateur en direct ?
François Delarozière : au départ, je voulais qu’il y ait un manipulateur à vue par machine et qu’elles soient manipulées en direct pour pouvoir interagir et improviser, mais Carlos ne voulait pas de techniciens sur scène. Je pense que cela aurait été très bien d’avoir deux personnes, comme pour des grues, des nacelles, même discrètement.
Comment les musiciens ont-ils reçu les machines ?
François Delarozière : au début, ils ont été un peu perturbés mais nous avons travaillé ensemble. Je les ai incités à jouer avec ces nouveaux arrivés, à les apprivoiser . A partir de là, ils ont commencé à jouer avec. Leur jeu s’est un peu détendu et maintenant ils commencent à s’amuser et à chaque concert la relation s’enrichie.
La question financière a été importante ?
François Delarozière : oui, tout-à-fait, c’est une gestion privée. PBOX, le producteur, a emprunté pour investir lourdement dans ce projet …. La production prend le risque sur plusieurs années et devra amortir sur une grande quantité de concerts. Avec un gril à 12 mètres, nous pourrions aller beaucoup plus haut [ndlr : avec les machines] et créer d’autres mouvements et figures. En fait, c’est presque infini, les machines offrent un million de possibilités. Il faudra d’autres périodes de résidence et de création pour évoluer, et créer de nouvelles mises en scène…
Scénographie et lumière de Sharing
Le résultat de cette collaboration est une lumière subtile. Il y a quelque chose d’organique dans ce ballet de deux bras articulés qui « portent » littéralement la lumière, comme une main qui s’approche des musiciens et de la chanteuse, jette paillettes ou neige, dessine des fumées, s’échappe et reprend rythme. Il ne s’agit pas du bestiaire de François Delarozière, directeur artistique de La Machine, mais d’une proposition scénographique où la lumière structure l’espace, d’une manière très particulière.
Fiche technique lumière
La lumière de Sharing utilise des projecteurs « traditionnels », des asservis (au cintre) et, donc, des « têtes lumineuses », constituées, sur chaque bras, de 5 projecteurs :
- 10 x MAC Viper Profile
- 10 x K20 B-EYE
- 12 x PAR CP60
- 8 x 614 SX
- 6 x ACL
- 2 x Robin Spikie
- 14 x Robin 150 LEDBeam
Ils sont pilotés par un GrandMA 2 light et un GrandMA 2 Command Wing.
Les bras articulés sont aussi commandés par la GrandMA.
Sharing en tournée
Le 4 mai dernier, à Onyx La Carrière, le public n’était pas uniquement constitué de ceux qui suivent le groupe Orange Blossom depuis ses débuts. Ce fut une (très belle) découverte pour beaucoup, conquis.
Une tournée est en cours. Notons d’emblée les dates confirmées :
- 24 aout : Aurillac
- 18 octobre : Anzin
- 9 novembre : Dôle
- 16 novembre : Sablé sur Sarthe
- 21 décembre 2019 : Toulouse
- 5 février 2020 : Niort
- 4 ou 5 mars 2020 : Paris
- 6 mars 2020 : Nantes au Zénith
- 30 mai 2020 : Bergerac
A suivre…
- Nouvel album automne 2019
Approfondir le sujet
Équipe artistique
Équipe technique
Lieu
- Théâtre Onyx
- Saint-Herblain, France
Livres
Scénographes en France 1975 – 2015
Livre rétrospectif des scénographes en France (1975 – 2015). De l'espace de la représentation à la scène, pour les lieux de spectacle, cinéma et exposition. |
Penser la lumière, de Dominique Bruguière
Réflexion sur la composition de la lumière à la scène par l'éclairagiste, Dominique Bruguière. Au théâtre, à l'opéra et la danse, Penser la lumière. |
Lexique de l’éclairage professionnel, de Sophie Caclin
La traduction facile français-anglais en architecture, urbanisme, lumière, éclairage et communication. Découvrez le Lexique de l’éclairage professionnel. |