Réalisation

James Turrell, architecture et lumière au musée d’arts de Nantes

Le Musée d'arts de Nantes présente une sélection d’œuvres de l'artiste américain James Turrell. Un lieu primé pour la qualité de sa lumière naturelle.
6 juillet 2018

James Turrell. It becomes your experience. Ça devient votre expérience, en français. Ce titre en anglais de l’exposition estivale du musée d’arts de Nantes vise-t’il à attirer un public international ? En fait, il invite le visiteur à se plonger au cœur de l’oeuvre immatérielle de l’un des artistes américains du mouvement Light & Spaces des années 60.

 


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L’exposition James Turrell du 1er juin au 2 septembre 2018 présente une sélection d’œuvres de l’artiste. Elle est conçue autour de trois ensembles. Chacun évoquant une période de sa pratique artistique.

  1. Projection Pieces, de 1966.
  2. Espaces immersifs, dès 1968.
  3. Roden Crater, volcan acquis en 1977.

Projection Pieces en gravures

Chacune des Projection Pieces se présentent dans la pénombre chez James Turrell. La lumière intense d’un projecteur à découpe à halogène, projette une forme dans un angle d’une pièce, parfois en liaison avec le sol. Ces œuvres provoquent la sensation visuelle d’un volume. La lumière devient alors un médium à part entière de l’installation artistique.

First Light, James Turrell, 1989-1990, Patio du musée d’arts de Nantes, France © Musée d’arts de Nantes – M. Roynard

First Light est le projet d’édition le plus important de James Turrell. Il le considère comme une oeuvre à part entière. La série complète de vingt gravures se présente d’ailleurs comme une rétrospective sur papier des Projection Pieces.

 


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A partir de 1965, l’artiste réalise ces œuvres dans son atelier, le Mendota Hotel à Santa Monica, un véritable laboratoire d’expérimentations de la lumière. En 1967, elles sont exposées pour sa première exposition personnelle au Musée de Pasadena en Californie, États-Unis.

First Light de James Turrell, 1989-1990

Dans la série First Light, la forme blanche se détache d’un fond très sombre. L’artiste explore la densité et toutes les nuances d’un gris presque noir, un peu comme si la forme sortait des ténèbres.

First Light, James Turrell, 1989-1990, Patio du musée d’arts de Nantes, France © Musée d’arts de Nantes – M. Roynard

À la fin des années 1980, en collaboration avec l’éditeur new-yorkais Peter Blum (galeriste et co-fondateur de la revue Parkett) et le maître graveur suisse Peter Kneubühler, James Turrell réalise trois portfolios dans lesquels il reproduit les effets de la lumière par le biais de l’aquatinte (procédé de gravure à l’eau forte imitant le lavis).

Still Light de James Turrell, 1990-1991

Afin de mieux rendre compte de cet effet de volume produit par la lumière, dans ses gravures l’artiste choisit l’aquatinte et le résultat est saisissant. Tandis qu’une lumière, par essence immatérielle, avait le pouvoir de créer un volume, la gravure produit le même effet, mais en sens inverse : le volume est suggéré par le papier, par essence plat, laissé en réserve. L’oeuvre est donc essentiellement l’opération mentale, ou encore perceptive qui produit l’illusion.

Still Light, James Turrell, 1990-1991, exposition James Turrell, patio du musée d’arts de Nantes, France © Musée d’arts de Nantes – C. Clos

À l’inverse, la série Still Light (1990-1991) explore le détachement de la forme blanche sur un fond très clair, presque aussi blanc que le sujet. La forme se révèle cette fois comme une apparition fantomatique.

Espaces immersifs dans le patio du musée

À partir de 1968, James Turrell passe de la deuxième dimension des projections lumineuses à la troisième dimension en créant des espaces immersifs autonomes, auxquels appartiennent Cherry (1998) et Awakening (2006). Les chambres qui abritent ces œuvres sont des environnements autonomes au cœur de l’exposition.

Patio du musée d’arts de Nantes, espaces immersifs de l’exposition James Turrell, Nantes, France © Musée d’arts de Nantes – C. Clos

Les Space Division Constructions assument leur espace cloisonné. Elles se divisent en deux parties distinctes : le viewing space (l’espace du regardeur), où accède le spectateur, et le sensing space (l’espace sensible), où la lumière est créée. Les deux espaces interagissent de telle manière qu’ils provoquent une sensation troublante et hypnotique.

 


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Cherry de James Turrell, 1998

Pour appréhender Cherry (1998), le spectateur pénètre dans un cube par un couloir sombre. Plongé dans le noir, l’œil s’acclimate puis perçoit progressivement un rectangle rouge dont la couleur s’affirme de plus en plus pure, presque hypnotique. Est-ce un aplat monochrome, un volume, un précipice ou un écran ? C’est tout le mystère des œuvres de Turrell : à la fois présentes et impalpables, réelles et immatérielles, elles sèment le doute dans notre perception et placent le spectateur au cœur d’un dispositif où le temps semble suspendu.

Cherry, James Turrell, 1998, installation lumineuse – Courtesy of the Artist and Almine Rech Gallery © 2018 James Turrell

Cherry fait partie de la série des Apertures (ouvertures). Une fenêtre comme un cadre est découpée dans la cloison qui sépare les deux espaces. Deux projecteurs dans la pièce où se trouve le spectateur éclairent les murs latéraux et sont réglés de façon à ce que leur lumière ne pénètre pas dans l’espace sensible au-delà de la fenêtre.

L’espace sensible est, quant à lui, éclairé de manière indirecte. Nous en percevons une lumière ambiante qui habite le volume et lui apporte sa couleur, ici le rouge. Contrairement à l’éclairage du « viewing space », la lumière n’est pas utilisée pour affirmer les limites physiques de l’espace mais une certaine sensation lumineuse du volume, que l’artiste dénomme une « atmosphère ». À distance, la jonction entre les deux salles n’est perceptible qu’en surface et ressemble à un rectangle peint, qui se révèle petit à petit et s’affirme de plus en plus, provoquant le doute chez le spectateur. Est-ce un aplat monochrome, un volume, un précipice ou un écran ?

Awakening de James Turrell, 2006

L’autre installation immersive appartient à la série des « Tall Glasses » (grands verres). Awakening (2006) met en scène une chambre sombre qui donne l’illusion d’un couloir au fond duquel le spectateur est d’emblée attiré par un dégradé de lumière hypnotique dont la couleur varie très lentement.

Awakening, James Turrell, 2006, installation lumineuse, 306,5 x 206,5 x 70 cm – Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte © James Turrell
Awakening, James Turrell, 2006, installation lumineuse, 306,5 x 206,5 x 70 cm – Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte © James Turrell
Awakening, James Turrell, 2006, installation lumineuse, 306,5 x 206,5 x 70 cm – Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte © James Turrell
Awakening, James Turrell, 2006, installation lumineuse, 306,5 x 206,5 x 70 cm – Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte © James Turrell

Bien que ces œuvres aient été conçues pour être présentées à l’intérieur, elles conjuguent les résultats de ses recherches sur la perception des couleurs et de la lumière. En effet, depuis la mise en lumière du pont du Gard le 13 juillet 2000, l’artiste a expérimenté la  technologie LED et la programmation de séquence lumineuse en informatique pour des mises en lumière d’architectures. Il réalisa pour le Centre de Design PSA Peugeot Citroën en 2004 à Vélizy, par exemple, une mise en lumière de la façade du bâtiment.

Figure majeure de la scène artistique contemporaine dans le monde de la lumière, James Turrell a été présenté en France à plusieurs fois à Paris, mais aussi à Lyon et Avignon. Sa première installation dans notre beau pays était aquatique et lumineuse à Poitiers. C’était au Confort moderne pour Heavy water en 1992.

Ainsi, dans la continuité du travail autour de la lumière proposée par Susanna Fritscher pour la réouverture du Musée d’arts de Nantes en juin 2017, l’institution continue a expérimenté avec brio la thématique si chère au musée qu’est la lumière.

Musée d’arts de Nantes primé pour la lumière naturelle

Depuis sa réouverture il y a un an, six récompenses ont été remises au Musée d’arts de Nantes pour son architecture et sa lumière naturelle.

  • Prix pour l’excellence internationale 2018 de l’Institut royal des architectes britanniques RIBA au cabinet londonien Stanton Williams.
  • Prix international de la conception lumière 2018, catégorie lumière naturelle des Lighting Design Awards au bureau d’études Max Fordham LLP. Compétition organisée par le magazine professionnel britannique Lighting de Revo Media.
  • Prix Blueprint du Meilleur projet à usage public avec financement public 2017
  • Prix de l’Ouverture du musée de l’année 2017 de la revue internationale Apollo
  • American Architecture Prizes 2017, catégorie design architectural / restauration
  • American Architecture Prizes 2017, catégorie rénovation et design intérieur / muséographie.

Vidéos sur le musée d’arts de Nantes

Approfondir le sujet

 


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Équipe du projet

Maîtrise d'ouvrage Ville de Nantes Nantes Métropole
Maître d'œuvre d'exécution Bouygues Bâtiment Grand Ouest
Plasticien lumière James Turrell
Conservateur Musée d’arts de Nantes Sophie Lévy Blandine Chavanne
Commissariat scientifique Musée d’arts de Nantes Alice Fleury Hélène Retailleau
Architecte Stanton Williams
Concepteur lumière Max Fordham LLP
BET structures Max Fordham LLP
BET fluides Max Fordham LLP GEFI Ingénierie
Graphiste Cartlidge Levene
Matériel d'éclairage Signify (ex Philips Lighting) Modular
Référence produit d'éclairage StyliD GentleSpace² Eco LED SL Mini Poly in
Installateur Engie Cofely Ineo
Partenaires Galerie Almine Rech Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte

Lieu

  • Musée d'arts de Nantes
  • Nantes, France

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Rédacteur en chef et éditeur du portail Light ZOOM Lumière depuis 2012. Architecte diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. Éclairagiste par passion depuis 1997 en Europe. Auteur de sept ouvrages de référence sur la lumière, l'éclairage, la ville et le bâtiment. Enseignant en éclairage à l’ENSA Nantes et à l’ENSATT Lyon.
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