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La maquette 3D photoréaliste pour l’éclairage architectural

Simuler une mise en lumière sur une maquette 3D photoréaliste d’un bâtiment, des étudiants de l’ENSI Poitiers prouvent que c’est possible !

Pour convaincre des élus d’un projet d’éclairage architectural, un concepteur lumière présente généralement un croquis permettant d’illustrer le concept qu’il souhaite mettre en place. Pour l’aspect technique, un plan de feu détaille l’installation des projecteurs et leurs orientations.

Église Saint-Jean de Montierneuf – Concept d’éclairage proposé par les étudiants – ENSI Poitiers – projet de fin d’études © Valentine Kirmann, Manuel Le Roux, Nastasia Mudhoo, Quentin Sauvrezy

Retouche d’images en éclairage architectural

Mais pour vraiment remporter leur suffrage, rien de mieux qu’un rendu photoréaliste de la mise en lumière proposée. Cette approche est née dans les années 1990 avec l’apparition de logiciels performants de retouche d’images. Il s’agit de prendre une photo du bâtiment de jour, de lui appliquer un filtre simulant la nuit, puis de littéralement colorier la tache lumineuse créée par chaque projecteur. Si la démarche paraît simple, la réussite d’une telle approche nécessite que le concepteur lumière ait une bonne connaissance des effets lumineux des projecteurs choisis. De plus, l’opération est chronophage, car il faut reconstituer le relief en découpant les zones éclairées en petites surfaces qui vont plus ou moins « attraper » la lumière, et ajouter les ombres portées générées par les projecteurs.

Par conséquent, ce procédé est réservé aux projets les plus importants et est souvent sous-traité par des spécialistes de la retouche d’images numériques. Le projet de mise en lumière n’est bien sûr présenté que depuis un seul point de vue, celui de la photo initiale, ce qui constitue une limitation importante.

Les débuts timides de la 3D dans le bâtiment

Pour remédier à ce problème, la 3D s’avère la solution évidente. On peut en effet se promener autour de la maquette 3D du bâtiment et voir la mise en lumière sous différents points de vue. L’autre grand avantage est de pouvoir utiliser un logiciel de simulation d’éclairage et d’avoir un rendu réaliste des faisceaux lumineux en utilisant les indicatrices d’intensité des projecteurs fournis par les fabricants sous la forme de fichiers IES.

Église Saint-Jean de Montierneuf – Image sans texture photo, Unreal Engine 5 – ENSI Poitiers – projet fin d’études © Kirmann, Le Roux, Mudhoo, Sauvrezy

Cette solution existe depuis longtemps, mais n’a pas rencontré beaucoup de succès. En effet, jusqu’à récemment, les maquettes 3D de façades de bâtiments étaient rares et leur acquisition nécessitait des dispositifs coûteux. L’approche 3D souffrait d’un autre défaut majeur : les textures proposées n’étaient pas photoréalistes.

Démocratisation de la 3D en éclairage

Les choses changent et les outils d’acquisition 3D avec une texture photographique se développent. Pour leur projet de fin d’études, un groupe d’étudiants de l’ENSI Poitiers a développé une méthodologie de rendu 3D photoréaliste de mise en lumière d’un bâtiment. Leur cas d’étude porte sur une façade de l’église Saint-Jean de Montierneuf à Poitiers. Pour l’acquisition, les étudiants utilisent le scanner FARO S150 de l’école. Ce scanner enregistre un nuage de points par la technique de triangulation laser. Le scanner prend en outre une série de photos qui permet d’associer une couleur à chaque point.

Église Saint-Jean de Montierneuf – Jour du scan – ENSI Poitiers – projet de fin d’études © Valentine Kirmann, Manuel Le Roux, Nastasia Mudhoo, Quentin Sauvrezy

Il est grandement préférable de faire l’acquisition lorsque le ciel est couvert. Les ombres portées sur le bâtiment dues à l’illumination directe du soleil seraient interprétées de manière erronée comme une texture de la façade. Pour l’église, sept scans ont été nécessaires pour une durée d’environ 2 h en imposant une résolution de l’ordre du centimètre.

Du nuage de points au maillage triangulaire

Le logiciel SCENE associé au scanner permet de reconstruire l’ensemble du nuage de points en identifiant et en recalant les points en commun sur plusieurs scans. Un nettoyage de ce nuage de points permet d’enlever des parties non désirées si, par exemple, des personnes sont passées devant le scanner pendant l’acquisition.

Pour de nombreuses applications, ce nuage de points serait suffisant pour constituer la maquette 3D de la façade. Pour les simulations d’éclairage, une étape supplémentaire est indispensable : il faut relier les points voisins pour former un maillage constitué d’un ensemble de petites surfaces triangulaires contiguës. Cette étape a probablement été la plus fastidieuse pour les étudiants, car le logiciel n’est pas le plus adapté pour cette opération de maillage. Ils ont trouvé un compromis sans prendre le nombre maximal de triangles possible, mais en imposant un très fort « niveau d’herméticité » qui permet d’éviter les trous dans la maquette 3D. Celle-ci peut ensuite être enregistrée sous le format OBJ. À chaque surface élémentaire, la reconstruction 3D associe la texture photographique correspondante.

Détail de la façade – Maillage sur le logiciel SCENE avec les paramètres par défaut (gauche) puis optimisés (droite) – ENSI Poitiers – projet de fin d’études © Valentine Kirmann, Manuel Le Roux, Nastasia Mudhoo, Quentin Sauvrezy

Les résultats sont satisfaisants, sauf pour les objets complexes comme les feuillages, car la méthode de triangulation laser a du mal à distinguer chaque feuille. Les étudiants ont enlevé ces points et ont intégré à la place des arbres 3D virtuels. Les vitrages sont également mal interprétés par le dispositif qui hésite entre des surfaces opaques sombres ou des trous. Ce défaut semble plus difficile à corriger.

Rendu d’éclairage 3D en temps réel

Le format OBJ est reconnu par le logiciel Unreal Engine 5, populaire pour l’édition de jeux vidéo. On peut par exemple reproduire l’effet de l’éclairage diurne sur la façade et l’évolution des ombres portées avec la course du soleil. En éclairage nocturne, l’effet lumineux d’un projecteur sur la façade peut être simulé en important le fichier IES correspondant. La grande force du logiciel est de permettre le rendu en temps réel de la mise en lumière lors du choix de la position et de l’orientation du projecteur : des essais d’éclairage 100 % virtuel pouvant faciliter grandement l’installation.

Vidéo parcours de caméra et réglage projecteur sur Unreal Engine

  • Lumière en temps réel, mouvements projecteurs © Manuel Le Roux
  • Cinématique mixte jour et nuit © Manuel Le Roux

Il est également possible d’importer la maquette 3D du luminaire qui permet de se rendre compte de son intégration dans le paysage de jour. Enfin, une caméra peut simuler le déplacement du regard sur la maquette virtuelle.

Un outil pour les concepteurs lumière

Les concepteurs lumière ont donc à présent cet outil à disposition pour présenter leurs projets de mise en lumière. Bien que les scanners 3D se soient démocratisés, leur prix reste inaccessible pour les bureaux de conception lumière. Des locations à la journée sont sans doute envisageables. En outre, fournir à la ville la maquette 3D numérique du bâtiment extérieur pourrait être une prestation additionnelle proposée par le concepteur lumière.

Pour s’affranchir du scanner 3D, la photogrammétrie consiste à reconstruire une maquette 3D photoréaliste à partir d’un jeu de photos du bâtiment prises en différents points de vue. Il existe des logiciels libres de photogrammétrie comme Meshroom. Il y a deux ans, un autre groupe d’étudiants de l’ENSI Poitiers avaient abouti par cette approche à des résultats moins convaincants. La reconstruction 3D pourrait être améliorée en y introduisant de l’intelligence artificielle, comme l’a proposé Nvidia avec le logiciel Instant Nerf. C’est assurément une piste à explorer, car le concepteur lumière n’aurait alors besoin que d’un appareil photo.

Étudiants de l’ENSI Poitiers : Valentine Kirmann, Manuel Le Roux, Nastasia Mudhoo, Quentin Sauvrezy.

Partenaires, Service patrimoine, ville de Poitiers

Équipe du projet

École ENSI Poitiers
Logiciel Unreal Engine
Étudiant Valentine Kirmann Manuel Le Roux Nastasia Mudhoo Quentin Sauvrezy
Enseignant Lionel Simonot
Partenaires Ville de Poitiers Service patrimoine

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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
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