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Gestion de la lumière blanche, possible en éclairage urbain ?

Usages et technologies de la lumière blanche en France. Entre la conception lumière et la gestion de l'installation, comment gérer la température de couleur ? Retour d'expériences.

La France en lumière blanche ? Utopie ou réalité de la conception lumière ou de fabricants de matériels d’éclairage ? Quels sont les usages en France ?

En caricaturant un peu, l’ambiance lumineuse des anciennes installations d’éclairage public a actuellement deux origines en métropole.

Vapeur de mercure haute pression

Lumière blanc froid, 4500 K. Exemple : rue d’un quartier périphérique de Colmar avant l’an 2000. L’ambiance a un rendu des couleurs très moyen. Depuis 2015, les lampes au vapeur de mercure haute pression sont bannies par l’Union Européenne à la vente.

Rue des quartiers de Colmar, France – Photo : Vincent Laganier

Sodium haute pression

Lumière blanc orangé, 2200 K. Elle procure un très mauvais rendu des couleurs dans la perception de la ville la nuit. Exemple : avenue de Paris à Versailles. L’impression verte des arbres de l’avenue dans l’axe du château de Versailles disparaît. Est-ce dû au Roi Soleil ?

Avenue de Paris, Versailles, France – Photo : Vincent Laganier
Lampe au sodium haute pression dans un réflecteur d’éclairage public, France – Photo : Vincent Laganier

Ces deux lampes procurent un mauvais rendu des couleurs de l’environnement urbain. Rien a y faire, la raison est à rechercher du côté des technologies de la lumière. En fait, il s’agit de la première génération des lampes à décharge où l’efficacité de la source lumineuse primait sur la qualité des ambiances  !

 

Conception lumière du projet

Au moment du projet d’éclairage, le choix est souvent fait pour de nouvelles ambiances lumineuses. La température de couleur des sources lumineuses, combinée à l’indice de rendu des couleurs – le fameux IRC – est un paramètre essentiel qui caractérise l’atmosphère du lieu. Ce choix dépend des matériaux en présence, de l’environnement urbain, de l’architecture et du patrimoine et de la végétation. Il fait partie du savoir-faire du concepteur lumière ou d’un ingénieur éclairagiste pour satisfaire les usagers comme le client. Sa proposition consiste bien souvent à convertir l’ambiance lumineuse en lumière blanche avec un bon rendu des couleurs de l’environnement urbain.

Technologies de la lumière blanche

Ces trente dernières années, cinq technologies d’éclairage public ont été retenues pour fournir de la lumière blanche par les professionnels.

Sodium blanc

Blanc chaud, 2500 K. Proche de l’incandescence, la technologie de l’avènement du métier de concepteur lumière en France dans les années 90 est défunte aujourd’hui. Exemple : le cours de 50 Otages à Nantes, mise en lumière initialement de façade à façade, par Concepto. Seul demeure aujourd’hui l’espace piétonnier latéral du cours en blanc chaud.

Cours des 50 Otages – Architectes : Rota, Fortier – Ingénieur : Bloch – Concepteur lumière : Roger Narboni, Concepto – Photo : Vincent Laganier

Fluorescente compacte

Blanc chaud de l’incandescence à la lumière du jour blanc froid, 2700 à 6500 K. Exemple : les allées du parc de la Villette, par Light Cibles. Cet éclairage est toujours en service. Il procure une ambiance en lumière blanche dans les allées du parc de la Villette.

Parc de La Villette, Paris, France – Architecte : Bernard Tschumi – Concepteur lumière : Louis Clair, Light Cibles – Photo : Vincent Laganier

Induction

Lumière blanc chaud, blanc neutre, blanc froid et blanc lumière du jour, 2700K, 3000K, 4000K et 5000K. Exemple : la place du Tertre de Montmartre, par le service éclairage public de la Ville de Paris. L’installation avec des lampes QL 85W est toujours en fonctionnement d’après les données de Paris Data de la Mairie de Paris.

Iodures métalliques à brûleur céramique

Lumière blanc neutre ou blanc froid, 3000 et 4200 K. Exemple : quai Charles De Gaulle à Lyon du quartier de la cité internationale longeant le Rhône, par l’Atelier Roland Jéol.

  • Le quai bas de l’avenue de circulation est éclairé en blanc froid pour avoir une meilleure efficacité lumineuse, à gauche sur la photo.
  • Le quai haut de la promenade piétonne et la piste cyclable sont éclairés en blanc chaud pour avoir un meilleur confort visuel, à droite sur la photo.
Quai Charles De Gaulle, cité internationale – Conception lumière : Roland Jéol – Photo : Jean-Yves Soetinck

LED à fort flux

Lumière blanc ambré à un blanc lumière du jour, 2200 à 6000 K. Le choix précis de la température de couleur est désormais possible sur mesure, selon le choix du binning des LED retenu. Un savant dosage de teintes pour garantir l’ambiance souhaitée.

Modules LED allumés, lumière blanc neutre et blanc chaud, éclairage urbain, France – Photo : Vincent Laganier

Inauguration du projet d’éclairage

Par rapport à l’ambiance de l’éclairage public avant rénovation, la nouvelle température de couleur des sources choisies fait alors la différence. Au moment de l’inauguration de la mise en lumière d’un espace public, une lumière blanche :

  • adoucit les ambiances lumineuses,
  • apporte un bon confort visuel,
  • procure une meilleure perception des couleurs.
Esplanade François Mitterrand, Quimper, France – Photo : Vincent Laganier

Exemple : place Bellecour à Lyon, par Les Éclairagistes Associés (photo en tête de l’article). La façade de l’Antiquaille sur la colline de Fourvière est mis en lumière par L’I.T.E.C. et Philippe Hutinet. Du blanc neutre au blanc froid, toute une gamme de lumière blanche est mise en oeuvre.

A travers la France, de nombreux articles de presse relatent ce changement d’ambiance, comme un plus qualitatif pour nos espaces publics et ses citoyens. Usage, usage, quand tu nous tiens…

 

 

Maintenance de l’installation d’éclairage

Avec le temps, l’installation d’éclairage vieillit. Selon la technologie choisie, il faut périodiquement changer les lampes à décharge, un module LED défectueux, vérifier les éventuelles pannes électriques et nettoyer la vasque du luminaire.

Hôtel de Ville durant la maintenance de l’illumination, Paris, France – Photo : Vincent Laganier

Certaines technologies deviennent obsolètes, comme les lampes au sodium blanc ou lampe à iodures métalliques spécifiques des systèmes à fibre optique. Exemple : cours des 50 otages à Nantes.

  • L’éclairage de la voirie centrale réaménagée en circulation mode doux, bus et vélo, a fait un retour surprenant au sodium haute pression blanc orangé ; passage de 2500 à 2000 K.
  • Les cônes des luminaires design des espaces publics latéraux ont été partiellement rénovés avec des systèmes à LED d’un blanc trop froid, comme la lumière du jour, au lieu d’un blanc neutre ; passage de 3000 K à 6000 K.

Aucune prescription du Sdal de Nantes n’impose un tel choix de température de couleur si extrême, sauf celui des économies d’énergie. A quand un passage au LED pour l’éclairage de la voirie centrale ?

Rénovation de l’éclairage du cours des 50 Otages, Nantes – Architectes : Rota, Fortier – Ingénieur : Bloch – Photo : Vincent Laganier

Les services techniques des installateurs et des collectivités font trop souvent un choix seulement de consommation énergétique. Ils ne se préoccupent pas de l’ambiance lumineuse quotidienne pour les usagers de la ville. Encore moins du choix initial du concepteur lumière ou de l’ingénieur éclairagiste qui a défini le projet…

  • Transition énergétique oblige ?
  • Changement administratif ?
  • Question de compétence ?

Gestion de la température de couleur LED

L’évolution des technologies LED apporte-elle une solution à la gestion de la température de couleur des sources lumineuses pour un service d’éclairage public ? Oui et non, dans le sens ou un circuit électronique LED, vu de l’extérieur, ressemble à un autre pour un installateur.

Module LED, RLE G1 EXC OTD, 3000K – Photo : Tridonic

Comme un tube fluorescent en éclairage intérieur, la température de couleur n’est pas visible sur la source lumineuse. Seul le marquage discret du fabricant permet de le savoir.

  • Normalisation du marquage à revoir ?
  • Sensibilisation à la qualité de la lumière ?
  • Question de formation ?

Blanc dynamique

Bien entendu, avec des modules LED en blanc dynamique, plus besoin de se poser la question de la température de couleur au moment de l’installation. Le réglage se fait à la programmation des scénarios lumière sur un ordinateur. Cette solution est bien adaptée à l’éclairage architectural comme pour la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg avec trois canaux de commande DMX par projecteurs.

Façade occidentale, vue latérale – Cathédrale Notre-Dame, Strasbourg, France – mise en lumière pérenne – Conception lumière : L’Acte Lumière © Vincent Laganier

En éclairage public, le blanc dynamique a sans doute peu d’avenir, sauf projet d’exception. Ici, un pilotage simple s’impose pour une gestion optimisée.

 

Mixage de couleur additive

Pour fixer la couleur de l’éclairage public, certains concepteurs lumière font un choix de mixage de LED de différentes couleurs dans la lanterne d’éclairage public. Elle leur permet d’avoir l’ambiance qu’ils souhaitent. Exemple : aménagement des espaces extérieurs de l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg, strates de lumière, par Pierre Nègre.

Hôpital de Hautepierre, aménagement des espaces extérieurs, Strasbourg, France, strates de lumière – Conception lumière : Pierre Nègre – Photo : Vincent Laganier
Hôpital de Hautepierre, aménagement des espaces extérieurs, Strasbourg, France, strates de lumière – Conception lumière : Pierre Nègre – Photo : Vincent Laganier
  • La lumière blanc orangé du parking est un mixage de LED orange et blanc chaud.
  • La lumière bleutée des allées d’accès est un mixage de LED bleu, violet et blanc froid.
Détail d’éclairage urbain, mixage des LED dans le luminaire, Hôpital de Hautepierre, aménagement des espaces extérieurs, Strasbourg, France, strates de lumière – Conception lumière : Pierre Nègre – Photo : Vincent Laganier

Education des professionnels en éclairage

La question de l’éducation du propriétaire de l’installation, et encore plus des électriciens en charge de la maintenance de l’éclairage est ici essentielle, car ce sont eux qui vont changer les sources lumineuses in-situ. Ainsi, ils doivent savoir :

  • reconnaître la technologie utilisée en observant la source lumineuse,
  • comprendre la notice technique d’une lampe ou d’un module à LED,
  • faire le choix adapté pour le relamping de la température de couleur et l’IRC.

 

 

Quid de la formation continue tout au long de la vie des électriciens de métier ! Espérons que les nouvelles formations du Campus Lumière sauront faire changer les usages.

Rédacteur en chef et éditeur du portail Light ZOOM Lumière depuis 2012. Architecte diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. Éclairagiste par passion depuis 1997 en Europe. Auteur de sept ouvrages de référence sur la lumière, l'éclairage, la ville et le bâtiment. Enseignant en éclairage à l’ENSA Nantes et à l’ENSATT Lyon.
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