Livre

Éloge de l’ombre, de Tanizaki Junichirô

Titre Eloge de l'ombre
Auteur Tanizaki Junichirô
Éditeur Editions Verdier
Type de livre Essai et roman
Date de publication Mai 2011
ISBN 978-2864326526
Prix public 16,50 €
Traducteur René Sieffert
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Dans l'admirable traduction de René Sieffert, Éloge de l'ombre, de Tanizaki Junichirô, est un livre culte. Réflexion sur la conception japonaise du beau.

Extrait du livre Éloge de l’ombre

« Car un laque décoré à la poudre d’or n’est pas fait pour être embrassé d’un seul coup d’œil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l’un ou l’autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables.

De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l’agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d’air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l’homme à la rêverie. N’étaient les objets de laque dans l’espace ombreux, ce monde de rêve à l’incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces filets d’eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l’un ici, l’autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d’or ».

Publié pour la première fois en 1978 dans l’admirable traduction de René Sieffert, ce livre culte est une réflexion sur la conception japonaise du beau.

Extrait de la préface Éloge de l’ombre

« En 1910, Tanizaki Junichirô, alors âgé de vingt-quatre ans, publiait sa première oeuvre dans une revue qu’il venait de fonder avec un groupe de camarades. C’était une courte nouvelle, intitulée Le Tatouage et qui ne ressemblait en rien à ce que publiaient alors les auteurs à la mode : le style nerveux, la concision, le cynisme cruel de ce conte étaient aussi éloignés, en effet, du néoromantisme larmoyant que du naturalisme verbeux qui s’étaient jusque-là partagé les faveurs du public. Déconcertée, la critique gardait un silence méprisant ; il fallut, pour le rompre, l’intervention de deux écrivains des plus illustres, Mori Ogaï et Nagaï Kafû, qui proclamèrent leur estime pour le nouveau venu. Parrains inattendus en vérité et bien dissemblables : Mori Ogaï, directeur des Services de santé militaires et romancier, avait rapporté d’Allemagne, vers 1890, des conceptions littéraires «romantiques» qui devaient faire de lui l’adversaire déclaré et véhément du mouvement «naturaliste» dont Nagaï Kafû, qui se voulait disciple de Zola, était précisément le porte-drapeau.

Telles étaient donc les auspices contradictoires sous lesquelles débuta la carrière de Tanizaki, carrière fertile par la suite en paradoxes, et résolument non conformiste. Car il restera toujours étranger à toutes les écoles et tendances littéraires, réfractaire à tous les engagements politiques de droite aussi bien que de gauche, pour construire, solitaire, mal compris et souvent calomnié, une oeuvre exceptionnelle et ne ressemblant à nulle autre. Les critiques, désespérant de pouvoir jamais le ranger dans les catégories admises, imaginaient, faute de mieux, des étiquettes faites sur mesure, et qui parfois se voulaient insultantes. Lui s’en amusait et les reprenait à son compte comme un défi.

 

On l’accusait de «diabolisme» : il en rajouta afin de bien persuader les dignes moralistes de l’insondable noirceur de son âme, mais il en faisait tant que l’on cria au «charlatanisme» ; bon diable, il en convint, en laissant entendre à mi-voix qu’il s’était affublé, pour faire peur, d’un de ces masques grimaçants que l’on voit aux diables des farces moyenâgeuses. Ses ennemis découvrirent enfin qu’il s’était rendu coupable d’«esthétisme» ; cette fois, ils avaient touché plus juste, mais l’injure sans doute le flattait car, jusqu’à la fin de ses jours, il ne lui déplaisait point de s’entendre qualifier d’esthète, même et surtout si l’on ajoutait : «décadent».

Mais lui-même se garde bien de polémiquer ; pendant une quinzaine d’années, il va tâter le terrain, fourbir ses armes, polir son style, en déployant une activité prodigieuse, en s’essayant aux genres les plus divers ; les nouvelles et les feuilletons se suivent, mais surtout les pièces de théâtre : trois pour la seule année 1922 ; il s’intéresse au cinéma, il traduit Oscar Wilde ; de-ci de-là apparaît déjà ce qui sera la manière de sa maturité, par exemple dans cet admirable poème en prose qu’est «Le souvenir de ma mère», en 1919″.

Revue de presse

« Écrit en 1933 et livre culte depuis cette date, l’Éloge de l’Ombre gagne chaque jour en actualité dans une société de paillettes. Mettant en parallèle les civilisations japonaise et occidentale, Tanizaki montre comment la lumière trop brillante de l’Occident écrase et met tout au même niveau alors que l’obscurité et la lueur diffuse appréciées des Japonais mettent en valeur les détails éclairés, apportent la sérénité et tiennent tous les sens en éveil. Ce texte peut être lu et relu, il a même été dit au théâtre. Il faut le lire éclairé par une toute petite lampe et l’offrir. Ne pas oublier de lire Quatre sœurs écrit à peu près à la même époque qui nous en dit autant que les livres d’histoire sur le pourquoi du Japon d’aujourd’hui… »

Catherine Segala, Tout est à nous !

« Imaginez un long article sur les luminaires se métamorphosant au fil des pages en un traité d’esthétique. Inconcevable ? C’est pourtant l’impression renvoyée par Éloge de l’ombre, l’essai de Junichirô Tanizaki (1886-1965) publié en 1933 et réédité dans la superbe traduction de René Sieffert…

Les Occidentaux, à l’affût du progrès et d’explication à toute chose, sont en quête d' »une clarté plus vive » : ils traquent donc le moindre recoin d’ombre. Les Orientaux, à l’inverse, s’accommodent des limites qui leur sont imposées, y compris l’absence de lumière ».

Emmanuel Hecht, L’Express

« La réédition très attendue d’un célèbre essai de Tanizaki, méditant sur le rôle de la lumière dans les sensibilités et les imaginaires japonais et occidental. Un écrit précurseur, toujours d’actualité quatre-vingts ans après ».

Alain Nicolas, L’Humanité

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Auteur Tanizaki Junichirô
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Rédacteur en chef et éditeur du portail Light ZOOM Lumière depuis 2012. Architecte diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. Éclairagiste par passion depuis 1997 en Europe. Auteur de sept ouvrages de référence sur la lumière, l'éclairage, la ville et le bâtiment. Enseignant en éclairage à l’ENSA Nantes et à l’ENSATT Lyon.
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