Article

Et le feu fut… Comment s’éclairer la nuit ?

La chaleur émise par le feu provient de la combustion d’un corps. Mais, la lumière émise est le résultat d’un défaut heureux. Histoire et sciences.

La réponse apportée par nos très lointains ancêtres a été de maîtriser le feu, il y a environ 400 000 ans. Bien sûr, un foyer avait d’autres fonctions :

  • produire de la chaleur,
  • cuire des aliments,
  • se protéger des animaux sauvages,
  • améliorer la fabrication des outils…

Maîtrise du feu

La fonction éclairante du feu a peut-être été secondaire, mais elle a toutefois permis à l’homme préhistorique de prolonger le jour et d’investir les cavernes. Peu à peu, des objets spécifiquement dédiés à l’éclairage – des lampes à huile – ont été fabriqués. D’abord primitifs, ces objets ont été perfectionnés, en particulier par les Grecs au IVe siècle avant notre ère. Le principe est le suivant : une mèche trempe dans un récipient rempli d’huile. Elle est enflammée à son extrémité et conduit l’huile par capillarité. Ce type de lampe a été concurrencé, à partir du Moyen-Âge, par une technique plus pratique : la chandelle, l’ancêtre des bougies. Il s’agit simplement d’une mèche entourée de suif. L’histoire des techniques d’éclairage s’accélère dès le milieu du XVIIIe siècle où les lampes à huile puis à pétrole connaissent de nombreux perfectionnements.

Les lampes à gaz révolutionnent l’éclairage d’un certain nombre de villes au XIXe siècle. Elles utilisent un « gaz d’éclairage » extrait de la houille. Le gaz, contenu dans un récipient fermé, s’échappe par une petite ouverture et est directement enflammé (sans l’intermédiaire de mèche). Ces lanternes d’éclairage à gaz doivent être allumées et éteintes manuellement chaque jour, comme il en est fait mention de manière poétique dans Le Petit Prince de Antoine de Saint-Exupéry avec l’allumeur de réverbère.

Bougie © Marc Liottin

Triangle du feu et réaction chimique

Finalement, la longue histoire de l’éclairage avant l’électricité est avant tout une histoire de combustion. Le « triangle du feu » – combustible, comburant, énergie d’activation – permet d’expliquer le principe de cette réaction chimique. Pour créer une combustion, il faut un combustible qui peut-être solide (le bois), liquide (l’huile, le pétrole) ou gazeux (le gaz de ville). Le combustible réagit avec le « comburant », en général l’air, et plus précisément les molécules de dioxygène de l’air. Il faut enfin un apport d’énergie (frottement d’une allumette par exemple) pour déclencher la combustion. Comme toute réaction chimique, celle-ci entraîne la transformation de molécules et la production d’énergie. Elle aboutit à la création de gaz carbonique et de vapeur d’eau et produit de l’énergie sous forme de chaleur. Cette énergie est souvent suffisante pour que la réaction s’auto-entretienne.

Allumette © Marc Liottin

Combustion incomplète donne la lumière

Si la combustion permet de comprendre la chaleur dégagée par une flamme, comment expliquer la lumière émise ? Observons par exemple un sympathique feu de bois dans une cheminée. Nous percevons essentiellement des flammes dont les couleurs varient du jaune au rouge. Cette observation banale est pourtant étonnante car si la combustion était complète, la flamme serait incolore.

La lumière du feu est donc due à une imperfection de la combustion ! En raison du manque d’oxygène dans la flamme, la combustion est incomplète et de fines particules de carbone n’ont pas été brûlées. Ces particules sont portées à une haute température entretenue par la combustion et émettent de la lumière. Le rayonnement thermique d’un corps, ici les poussières solides de carbone, est appelé incandescence. Ce phénomène est régi par une loi fondamentale selon laquelle l’énergie rayonnée ne dépend pas du corps incandescent, mais uniquement de sa température.

Feu d’artifice

Mais parfois, d’autres couleurs et d’autres phénomènes lumineux se produisent dans notre feu de bois. A la base du feu, nous pouvons observer des flammes violettes qui n’ont rien à voir avec l’incandescence. Elles sont provoquées par la présence de potassium dans la flamme. Ce phénomène est appelé émission de flamme par excitation thermique. La chaleur en effet excite les atomes de potassium, c’est-à-dire qu’ils atteignent un niveau énergétique plus élevé. En se désexcitant, ils peuvent restituer l’énergie sous forme de lumière. Les couleurs émises sont propres à l’atome excité et, si elles ne sont pas masquées par l’incandescence, sont plus franches. La maîtrise de ce phénomène est à la base des « belles bleues » des feux d’artifice, inaccessibles avec l’incandescence.

Naissance du feu © Marc Liottin

Flamme et luminescence

Il existe, pour certaines flammes, un autre mode d’émission de lumière d’origine non thermique appelé chimiluminescence. Ce terme indique une production de lumière provoquée par une réaction chimique. D’autres mots sont construits sur ce même schéma : préfixe (indiquant la nature de l’excitation) + luminescence. La bioluminescence par exemple correspond à une émission de lumière provoquée par une réaction biochimique. C’est le cas pour les vers luisants femelles dépourvues d’ailes qui émettent une lumière pour attirer les mâles ailés, et donc plus mobiles. Quel que soit le processus d’émission, la lumière possède un fort pouvoir de séduction !

Approfondir le sujet

Équipe du projet

Concepteur lumière Luminescence

Livres

Le temps des flammes, de Christine Richier

Comment éclairait-on un espace scénique avant la lampe à incandescente ? Le temps des flammes de l'éclairagiste Christine Richier. Histoire de la lumière.

En savoir plus...

Poursuivez votre recherche

Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.


Articles
connexes

Que lumière soit. Il suffit d’appuyer sur un interrupteur. Ce geste banal cache des phénomènes physiques. Éclairage à travers les âges.
— En savoir plus
Article

Éclairage à travers les âges

Que lumière soit. Il suffit d’appuyer sur un interrupteur. Ce geste banal cache des phénomènes physiques. Éclairage à travers les âges.
L’éclairage le plus naturel provenant du Soleil est aussi le seul qui soit directement d’origine nucléaire. Comment décrire la science de cette lumière naturelle qui nous entoure ?
— En savoir plus
Article

Le Soleil, une lumière nucléaire

L’éclairage le plus naturel provenant du Soleil est aussi le seul qui soit directement d’origine nucléaire. Comment décrire la science de cette lumière naturelle qui nous entoure ?
Distingué comme « Ville des Alpes », chaque année, un air de Fête du Lac envahit la ville d'Annecy avec son spectacle pyrotechnique unique.
— En savoir plus
Réalisation

Annecy : les peintres du ciel et la Fête du Lac

Distingué comme « Ville des Alpes », chaque année, un air de Fête du Lac envahit la ville d'Annecy avec son spectacle pyrotechnique unique.
Premier livre grand public décrivant le rôle et les multiples implications de la lumière dans le monde vivant. Par Bernard Valeur et Elisabeth Bardez.
— En savoir plus
Livre

La lumière et la vie, une subtile alchimie

Premier livre grand public décrivant le rôle et les multiples implications de la lumière dans le monde vivant. Par Bernard Valeur et Elisabeth Bardez.