
« Au service du tangible et du sensible » Manon Auguste
Qu’est-ce que la lumière pour toi ?
Manon Auguste : C’est une question de reflets, d’émotions, qui peuvent être à la fois forts et très doux aussi. J’aime l’idée de venir déposer des touches de lumière à des endroits précis. Qu’elles viennent souligner délicatement les effets de matière et participent à une véritable atmosphère lumineuse.

Quelle a été ta première émotion de lumière ?
Manon Auguste : Enfant, lorsqu’à marée basse sur la plage en Normandie, la lumière se reflétait sur le sable et entre toutes les fines rigoles. Ce sont des images de moments suspendus que j’ai en tête. En suivant la marée et les pleines lunes, elles façonnent le paysage, se reproduisent sans jamais être identiques. C’est ce qui me reste en mémoire, et me provoque des vagues d’émotions.
Quel est ton sentiment de lumière préféré ?
Manon Auguste : J’apprécie l’aspect réconfortant de la lumière. A la manière d’une veilleuse, la lumière peut agir comme une vraie présence rassurante. Elle nous redonne confiance et espoir. A l’image des lanternes magiques, sorte de carrousels qu’on avait enfant sur nos tables de chevet, lorsque ces effets de lumière jouent avec le mouvement, c’est encore plus fascinant et inspirant.
Quel projet lumière trouves-tu particulièrement abouti ?
Manon Auguste : Récemment, la vasque olympique conçue par Mathieu Lehanneur a été vraiment un symbole fort et évocateur d’une lumière qui guide et rassemble. En ajoutant l’arrondi de la forme et sa légèreté cela ajoute un effet magique saisissant à ce projet que je trouve particulièrement réussi.

Quelle personnalité associée à la lumière est la plus inspirante pour toi ?
Manon Auguste : Durant mes études d’arts appliqués, j’ai fait des recherches sur les lampes Akari du designer japonais Isamu Noguchi. Son parcours et l’influence qu’il a eu sur l’illumination de nos lieux de vie me paraissent incroyables. On connaît forcément tous ces lampes arrondies en papier washi et cela a été une vraie émotion de découvrir encore davantage son travail au LaM à Villeneuve-d’Asq, lors de l’exposition Isamu Noguchi – Sculpter le monde.

Quel est ton objet lumineux préféré ?
Manon Auguste : Il y a une artiste dont j’ai vu les œuvres au CAPC de Bordeaux qui ne travaillait pas la lumière directement mais qui assemblait plein de petits éléments métalliques. Avec les reflets, et en les suspendant l’effet était incroyable. C’est l’artiste Eleonor Antunes qui exposait en 2015 « Le Plan Flexible », son travail est un plaisir à parcourir.

Quelle est l’œuvre la plus mémorable selon toi ?
Manon Auguste : J’ai réécouté récemment ce que Soulages disait de son travail. Tout le monde lui parlait du noir et lui ne parlait que de lumière. Je me suis rendu compte qu’à ma manière, je cherchais également à démontrer que le noir pouvait être lumineux. Ces œuvres ont marqué et continuent de marquer durablement nos esprits.
Comment utilises-tu la lumière en tant qu’artiste ?
Manon Auguste : J’aurai pu choisir que la lumière passe simplement au travers de mes tissages mais j’ai choisi de placer la lumière de manière indirecte en la relançant vers le textile. Pour que cela vienne vraiment souligner le savoir-faire, et justement, ne pas prendre le dessus. Que cette lumière vienne se refléter dans les fils, dans les textures et apporter ces éclats lumineux délicats.

Qu’est-ce qui est singulier dans ton approche de la lumière ?
Manon Auguste : J’ai des projections très précises en tête que je matérialise directement grâce au textile. Je cherche sans arrêt à surprendre, et parfois me surprendre. Je pourrais faire plus simple mais j’ai plus de satisfaction à réussir à faire quelque chose de compliqué, espérons que cela paraisse ingénieux.
Comment aimerais-tu que la lumière artificielle évolue dans l’avenir ?
Manon Auguste : J’aimerais que la lumière soit au service du tangible et du sensible à l’avenir. Pour moi ce n’est pas sur l’IA que nous devons tout miser. Je suis convaincue qu’il y a mieux à faire. On doit préserver les savoir-faire artisanaux, l’intelligence collective, l’intelligence de la main, l’intelligence de l’humain, développer des lumières délicates et nuancées au service des matières d’art et qui procurent des sensations essentielles qui nous rassemblent.
Détail tissage lumineux de Manon Auguste, Myriade Studio – Photo © Morgane Agostini

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Photo en tête de l’article : Manon Auguste, designer textile lumière, Myriade Studio, atelier de tissage – portrait © Morgane Agostini
