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CEE éclairage : le marché noir de l’énergie ?

Les CEE éclairage, un système détourné ? Des fraudeurs exploitent les failles, mettant en péril la confiance des collectivités. 20 éléments pour vous alerter !
23 avril 2024

Le système des certificats d’économies d’énergie (CEE), conçu pour encourager la transition énergétique, est entaché de fraudes. Malgré leur objectif initial de financer des travaux de rénovation énergétique, les CEE sont devenus le terrain de pratiques douteuses.

CEE éclairage : le marché noir de l’énergie ?

Le secteur de l’éclairage, notamment, a été le théâtre de manipulations frauduleuses, dénoncées dès 2020 par le Syndicat de l’éclairage. Les alertes se sont multipliées, conduisant à une mise en garde en 2021 contre des offres trompeuses de luminaires gratuits.

Face à l’ampleur du problème, la  MICAF a été mandatée en 2023 pour lutter contre ces abus, mais la confiance dans le dispositif est ébranlée. Les contrôles se sont intensifiés, et un arrêté du 22 février 2024 a durci les vérifications, notamment pour la fiche CEE concernant la rénovation de l’éclairage extérieur.

Toutefois, ces mesures tardives révèlent un système fragilisé où les aides peuvent être annulées après coup. Ils laissent entrevoir un avenir incertain pour le dispositif des CEE éclairage et la transition énergétique qu’il était censé soutenir.

La révision urgente de la fiche RES-EC-104 par la DGEC est symptomatique d’un système réactif plutôt que proactif, qui peine à restaurer la confiance des acteurs concernés.

Un guide pour sensibiliser les élus et techniciens

Des organisations professionnelles, dont la FNCCR, le Serce, l’AFE, l’AITF et le Syndicat de l’éclairage, ont publié un guide pour sensibiliser les élus et techniciens aux responsabilités liées aux marchés publics, à l’environnement et à l’impact économique et social de l’éclairage public.

Ce guide vise à contrer les pratiques de certaines entreprises qui, sous couvert d’efficacité énergétique, vendent des produits de faible qualité et peu durables.

Guide d’achat de luminaires d’éclairage public – couverture © FNCCR

Ces sociétés, souvent de simples importateurs sans expertise réelle, proposent des équipements aux performances douteuses et un suivi après-vente insuffisant, avec un impact négatif sur les économies d’énergie et les coûts de maintenance.

En réponse, les membres du Syndicat de l’éclairage s’engagent à fournir des solutions d’éclairage de haute qualité, durables et conformes aux normes, contribuant ainsi positivement à la transition énergétique.

Collectivités : 20 éléments pour vous alerter !

L’achat responsable, une pratique de plus en plus adoptée, repose sur une connaissance approfondie des fournisseurs et des produits. Pour éviter les pièges d’offres trop alléchantes, certains signaux doivent alerter les collectivités. Des prix anormalement bas peuvent indiquer des compromis sur la qualité ou l’éthique. Cependant, une vigilance accrue et la recherche d’informations fiables permettent d’identifier des partenaires de confiance et de contribuer à une économie plus juste et durable.

  1. Le fournisseur se présente comme « Spécialiste de la rénovation énergétique ».
  2. Le fournisseur se recommande du gouvernement ou d’organismes en charge de la transition énergétique (vérifier la véracité des propos auprès des autorités (DGCCRF, DGEC…).
  3. Il n’y a pas de catalogue, mais seulement une offre de hublots, une de réglettes étanches et une de projecteurs ou de luminaires d’éclairage public basique, tous proposés gratuitement ou presque, et aucune offre de système de pilotage automatique de l’éclairage pour l’allumage, la gradation ou l’extinction.
  4. Le fournisseur propose un bon de commande où le client n’a plus qu’à indiquer le nombre de luminaires gratuits (« sans reste à charge »), qu’il souhaite. En contrepartie, le client doit signer une attestation stipulant qu’il s’engage à installer ces luminaires dans l’année.
  5. Le fournisseur annonce que le coût du produit est pris en charge par un fournisseur d’énergie ou par les certificats d’économies d’énergie.
  6. Le fournisseur est incapable de fournir des fiches techniques détaillées relatives aux produits, en français (Voir la Charte LED).
  7. Le fournisseur ne peut pas présenter d’informations techniques précises, et en particulier pas celles exigées par le règlement européen 2019/2020 sur l’écoconception des sources lumineuses ou par l’arrêté de décembre 2018 relatif aux nuisances lumineuses (puissance électrique, flux lumineux, température de couleur, IRC…).
  8. Il n’y a pas de possibilité de remplacer les sources lumineuses ni le driver (auxiliaire d’alimentation), et aucune information sur la disponibilité de pièces détachées dans des délais raisonnables n’est indiquée.
  9. Le fournisseur parle essentiellement de certificats d’économies d’énergie mais reste muet quant à l’étude du projet d’éclairage (niveaux d’éclairement ou de luminance, maîtrise de l’éblouissement, calculs selon la norme EN 13201…).
  10. Le fournisseur n’a pas ou peu d’employés en France.
  11. Il n’y a pas de nom du dirigeant, ni d’aucun responsable sur les sites ou documents.
  12. Il n’y aucune adresse physique en France.
  13. Le fournisseur ne publie pas ses comptes (vérifier sur bilan.comsociété.com ou http://bilan.com/autres et l’activité officiellement déclarée de l’entreprise sur ces sites a peu de rapport avec la fourniture de matériel d’éclairage.
  14. Il n’y a pas de références précises d’installations d’éclairage réussies en France.
  15. Les documents sont émaillés de fautes d’orthographe.
  16. Le fournisseur n’a pas de numéro d’identifiant unique (IDU) prouvant qu’il est adhérent d’un éco-organisme chargé d’organiser la collecte et le retraitement de ses produits en fin de vie (vérification sur le site Syderep).
  17. Les documents du fournisseur abondent en superlatifs auto-louangeurs.
  18. Le fournisseur met en avant une récompense ou une distinction qui lui aurait été décernée, et s’affiche en compagnie d’autorités et autres personnages officiels, comme argument de respectabilité, notoriété, ou supposée reconnaissance de qualité.
  19. Le produit est présenté comme une invention qui révolutionne le monde de l’éclairage ou celui de la gestion automatique de la lumière.
  20. Le fournisseur n’est membre d’aucune association professionnelle reconnue pour ses engagements pour la qualité (AFE, Syndicat de l’éclairage, SERCE, CAPEB, FFIE, etc.).

La plateforme SignalConso permet d’interroger ou d’alerter les services de la répression des fraudes.

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article © Rafael Garcin, Unsplash

Rédacteur en chef et éditeur du portail Light ZOOM Lumière depuis 2012. Architecte diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. Éclairagiste par passion depuis 1997 en Europe. Auteur de sept ouvrages de référence sur la lumière, l'éclairage, la ville et le bâtiment. Enseignant en éclairage à l’ENSA Nantes et à l’ENSATT Lyon.
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