Fête du lac d’Annecy : Patrice Parlant, artificier, Arts & Feux

Tous les ans, la Fête du lac d’Annecy enchante les petits et les grands. Une féérie aux effets pyrotechniques grandioses et spectaculaires ou un spectacle de drones s’est invité l’an dernier. Avant son interruption en 2024 à cause des JO de Paris, « c’est un crève-cœur », déplore François Astorg, maire d’Annecy.

Rencontre avec Patrice Parlant, artificier, régisseur général et directeur associé de la société de spectacle pyrotechnique, Arts & Feux. C’est le premier artiste de la Fête du Lac a intégré des pixels LED dans le ciel nocturne.

Comment s’est passé le retour de la Fête du lac d’Annecy ?

Patrice Parlant : C’est une renaissance puisque pendant les 2 ans de covid, la Fête du lac n’a pas eu lieu. Donc il a fallu essayer de trouver quelque chose qui donne envie à tout le public de renouer avec cette tradition. C’est la première fête en Europe, quand même.

70 minutes de spectacle, dont plus de 57 d’effets pyrotechniques, 470 mètres de façade avec 48 jets d’eau apparents, encore jamais fait ici, et des lumières. La petite surprise supplémentaire très poétique, c’est un spectacle de 300 drones intégré à l’intérieur du spectacle.

Qui a conçu les effets pyrotechniques ?

Patrice Parlant : Pour les effets pyrotechniques, c’est Andrea Scarpato le maître artificier. C’est le patron de la société Pyroemotions. En 2014, nous avons créé cette équipe franco-italienne d’Arts & Feux et Pyroemotions. Depuis, nous travaillons un peu partout à l’étranger pour de très gros spectacles, parce que c’est son vecteur à lui.

Arts & Feux travaille sur des spectacles plus modestes en France. Mais pour les gros spectacles en France et à l’étranger, c’est notre équipe qui officie. Il a la structure technique et matérielle parce que pour faire un spectacle comme la Fête du lac, ce sont 4 conteneurs de 40 pieds plus un semi-remorque, tout le matériel nécessaire comme les batteries de mortiers pour lancer les bombes, et 72 pontons sur le lac.

Comment avez-vous conçu ensemble la Fête du lac 2022 ?

Patrice Parlant : Sur des spectacles comme la Fête du lac, une fois qu’ils vous ont désigné attributaire, le vrai travail commence. C’est-à-dire qu’il y a un travail musical qui est soumis à l’approbation de l’organisateur du spectacle.

Une fois approuvé, Andrea Scarpato pense à la chorégraphie, mais la scénographie générale aussi. Il est aidé par un chorégraphe informaticien, Simonet Franzosi chez nous. Il est en relation avec tous les techniciens, toutes les semaines par vidéo, pour avancer sur les coûts, etc.

Quant à Andrea, une fois qu’il a défini sa partie pyrotechnique, il la fait fabriquer. 90 % des produits qui seront tirés demain soir viennent d’Italie. Donc c’est européen, et pour l’empreinte carbone, c’est un peu mieux. Pour les couleurs, ça n’égale pas ce que fabriquent nos amis chinois, forcément, puisqu’il ne travaille pas beaucoup de magnésium.

Quel est le thème du spectacle ?

Patrice Parlant : C’est l’histoire de l’eau. Nous avons travaillé avec le metteur en scène français Jacques Leduc. Il a écrit les textes sur cette idée que nous avons eue ensemble.

La trame du spectacle est racontée par un aigle des Alpes, et porte sur les sources de toute vie sur cette terre qu’il faut respecter absolument. Nous commençons par la fonte des glaciers, les torrents et le lac, et tout ce qui s’y est aggloméré, donc la faune, la flore et l’humain en dernier, évidemment. Il y a de petits textes en français, très courts, entre chaque séquence qui décrit cette histoire.

Sur ces textes, Andrea Scarpato a adapté des musiques très populaires pour que les gens vivent et s’intéressent au spectacle. Puis il a fait toute la chorégraphie pyrotechnique.

Quelles sont les musiques choisies ?

Patrice Parlant : Des musiques populaires, françaises et internationales, du style Coldplay ou autres. Il faut que le public soit porté par la Fête du lac.

Comment avez-vous intégré les drones dans le spectacle ?

Patrice Parlant : Il faut ce qu’est la technologie drone pour le moment. C’est 15 minutes à peu près par rapport aux batteries. Ça ne peut pas être plus long. Il faut environ 2 à 3 minutes du départ de zone de décollage pour la mise en place et la même chose pour revenir. Soit entre 9 et 10 minutes de show.

Nous les avons intégrés dans un moment très poétique sur les textes, en collaboration avec la société Dronisos, un des leaders français et européens, installé à Bègles à côté de Bordeaux. C’est vraiment une société très professionnelle qui a collaboré avec Simonet Franzosi.

Depuis 4 mois, toutes les semaines, ils ont des vidéos pour mettre au point tout le design et la programmation des drones. Ce n’est pas un spectacle de drones, c’est vraiment une intégration à l’intérieur du spectacle, Histoire d’eaux de la Fête du lac.

L’intégration des drones se fera-t-elle avec de la pyrotechnie ?

Patrice Parlant : Il y aura des pyrotechnies douces, évidemment, pour ne pas les déranger, parce que ça se suffit presque à soi-même, mais aussi des jets de fontaines sur 470 m, impressionnants et merveilleux. Pour la répétition, hier soir, j’ai moi-même été étonné, car je n’avais jamais vu 300 drones en même temps.

Avez-vous fait des répétitions avec les drones ou allez-vous les installer le jour même ?

Patrice Parlant : Il y a eu déjà deux tests en soirée à Annecy. Le spectacle a été entièrement joué. Cela permet de faire des petits réglages sur la chorégraphie que l’on a filmée. Dronisos l’a ajusté informatiquement.

Partez-vous de barges sur l’eau ?

Patrice Parlant : Non, on part de la terre ferme. Les drones décollent de la start zone, la zone de départ et d’atterrissage, vers notre zone de spectacle pyrotechnique. Soit 300 mètres pour arriver à la zone d’évolution. Quand on regarde le lac et qu’on est assis sur les tribunes, elle est un petit peu sur la droite. Ils vont jouer sur l’eau.

Comment votre première expérience de la Fête du lac 2018 vous a-t-elle servi ?

Patrice Parlant : Elle nous a servi à plusieurs choses, notamment à adapter les produits « grand spectacle » plutôt que des produits qui viendraient de Chine, ce que l’on appelle des « packs ». Nous n’en utilisons absolument plus, seulement de la chandelle romaine et des bombes italiennes.

Qu’en est-il de l’aspect environnement dans la pyrotechnie ?

Patrice Parlant : Nous avons énormément travaillé avec nos amis de la fabrique pyrotechnique en Italie pour ne plus avoir de plastique et d’aluminium. Dans tous nos monocoups et nos chandelles, il n’y a plus aucune retombée, c’est-à-dire que dans la composition interne, notre fabricant en Italie s’est arrangé pour que tout brûle. Sur le lac, il ne retombe désormais que les coques des bombes en carton, qui sont biodégradables.

Pour autant, nous avons quand même une entreprise spécialisée de nettoyage qui passe avec des bateaux, des peignes et des filets, pour ramasser les restes qui flottent tout de suite après le spectacle. Le lendemain, des plongeurs ratissent aussi la zone de tir pour laisser le lac propre. Cet endroit mériterait qu’on le respecte encore plus.

Comment voyez-vous l’évolution de la pyrotechnie dans les années à venir ?

Patrice Parlant : L’évolution de la pyrotechnie avec la densification urbaine et parce que les distances de sécurité sont réduites, nous la voyons plutôt avec le genre de produits que nous faisons fabriquer en Italie. C’est-à-dire avec beaucoup de monocoups.

Quand nous jouons le spectacle, le public adore lorsqu’il y a des accélérations. Nous accentuons ces effets pyrotechniques.

Qu’est-ce qu’un monocoup en pyrotechnie ?

Patrice Parlant : Ce sont des tubes qui lancent un seul effet pyrotechnique à chaque fois. Ce sont des calibres jusqu’à 60 millimètres, mais ça vaut une bombe de 100 si c’est bien fait. Cela nous permet de réduire les charges d’éjection de 50 %, donc 50 % de fumée en moins. Nous l’avons prouvé en commission avec des vidéos comparatives de spectacles qu’on faisait au Qatar, en particulier.

L’évolution est là, je pense. Si vous allez sur notre site Arts & Feux, regardez l’Érythrée et la Torch Tower de Dubai le 18 décembre 2021, il n’y a que des monocoups, alors qu’on a l’impression qu’il y a des bombes !

Comment déclenche-t-on les feux d’artifice ?

Patrice Parlant : Nous avons des systèmes électriques de mise à feu, sans inflammateur, pour déclencher les allumages. C’est beaucoup moins polluant !

Nous avons ce que l’on appelle des batteries de PLS, ça signifie que tout est informatisé. Les maîtres artificiers reçoivent des time codes et donnent des signaux de départ, puis les effets pyrotechniques partent à droite, à gauche. Ils reçoivent des ordres et tout est chorégraphié.

Ces monocoups sont-ils recyclables ?

Patrice Parlant : Oui, nous nettoyons les tubes et nous les réutilisons aussi, bien sûr.

Que dire de votre métier de maître artificier ?

Patrice Parlant : C’est une passion. J’espère réussir à faire vibrer les gens, c’est notre métier. Nous sommes contents quand « la foule est en délire ». C’est notre résultat !

Propos recueillis par Vincent Laganier le 8 août 2022 à Annecy

Reportage photo de Vincent Laganier sur la Fête du Lac d’Annecy 2022

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