« Que la lumière soit ressentie » Maxime Prangé
Qu’est-ce que la lumière pour toi ?
Maxime Prangé : C’est une matière à proprement parler qui rend le monde visible et en même temps sensible. Il y a dans sa perception une dimension émotionnelle très présente dans mon travail.
Quelle a été ta première émotion de lumière ?
Maxime Prangé : Elle est liée à un projet photo que j’ai fait pour essayer de m’en souvenir, d’une certaine manière. Ce sont des vues sur le lac du Bourget : des paysages d’été sur ce lac aux couleurs singulières, avec beaucoup de vent, donc beaucoup de jeux de scintillements.
Quel est ton sentiment de lumière préféré ?
Maxime Prangé : C’est plutôt un effet lumineux qui appelle l’imaginaire. C’est celui de la lumière qui traverse les stores. C’est un effet optique un peu comme une camera obscura qui se produit à l’intérieur d’une pièce. Il y a cette présence du dehors qui se ramène à l’intérieur très abstrait où il y a seulement des jeux de couleurs et on peut juste essayer de deviner l’extérieur. Cela me fait souvent penser à l’allégorie de la caverne de Platon.

Quel projet lumière trouves-tu particulièrement abouti ?
Maxime Prangé : La mise en lumière du parc de Gerland par Laurent Fachard, que j’ai découvert quand j’étais en architecture dans un cours donné par Sandra Fiori. Cette idée de pouvoir mettre autant de couleurs comme ça dans un parc, ça me semblait assez fou. Cela peut paraître trop festif, mais en même temps, il y a une joie simple et naturelle qui en ressort.

Quelle est la personnalité associée à la lumière la plus inspirante pour toi ?
Maxime Prangé : Ann Veronica Janssens, dont j’avais vu une œuvre au Palais de Tokyo, qui était une de ces grandes pièces remplies de fumée. Et c’est juste un jeu de peinture sur certains murs qui, par réverbération et diffusion dans cette fumée, va donner une sensation d’immersion dans la couleur, dans la lumière. C’était vraiment une expérience assez incroyable et je suis son travail depuis. Toute cette approche est complètement détachée de choses visuelles. On est vraiment dans une expérience.
Quel est ton objet lumineux préféré ?
Maxime Prangé : Le « modulateur-espace-lumière » de Laszlo Moholy-Nagy, qui est une sculpture cinétique et lumineuse avec plein de choses qui bougent et qui créent des effets d’ombrage un peu de partout. Il n’a pas d’usage et, pourtant, je lui trouve une grande utilité !
Quelle est l’œuvre la plus mémorable, selon toi ?
Maxime Prangé : C’est une peinture de Soulages, une toile bleue de 1972 exposée au musée Fabre à Montpellier juste avant les grands noirs qu’il a peints et réalisés au moment de la rénovation. J’aime beaucoup cette pièce-là, je suis toujours resté scotché sur cette peinture bleue de Soulages avec cette profondeur, cette intensité de lumière qu’il arrive à amener. Et puis, avec du mouvement ! Il y a quelque chose de dynamique aussi.

Comment utilises-tu la lumière en tant qu’artiste ?
Maxime Prangé : C’est un long projet qui mûrit depuis pas mal de temps. C’est une envie de faire une recherche sur l’influence culturelle de la lumière, plus spécifiquement dans l’architecture et dans le design. Comment chaque population, chaque culture, s’est-elle emparée de cette matière pour les lieux du quotidien ? Comment l’accueille-t-on ? Comment la fait-on entrer ? Comment s’en cache-t-on ? Comment la maîtrise-t-on ?
Qu’est-ce qui est singulier dans ton approche de la lumière ?
Maxime Prangé : Aujourd’hui, je développe la collection Washi no akari autour du papier washi et son inscription dans l’architecture japonaise. Mais il y a cette envie d’aller explorer d’autres cultures qui sont liées aussi à des sensations lumineuses. Le vitrail, par exemple, comment s’en sert-on, au départ, pour faire entrer la lumière dans le bâtiment ? Comment passe-t-on de premiers usages fonctionnels à devenir un vecteur de la foi chrétienne ?

Comment aimerais-tu que la lumière artificielle évolue dans l’avenir ?
Maxime Prangé : On a déjà conquis la nuit, alors que nous reste-t-il à révéler ? Il y a un vrai projet de réappropriation des espaces publics de jour et de nuit, pour en faire des lieux qui permettent de retrouver le chemin du rêve. Que la lumière soit ressentie, et pas seulement regardée.




