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Éclairage LED : blanc et couleur, des mondes différents ?

Contexte, analyses prospectives et opportunités en éclairage LED cinq jours après L+B 2016. Entre lumière blanche et éclairage en couleurs, quels enjeux ?

L’éclairage LED coloré comprenant des diodes électroluminescentes de couleurs différentes est principalement associé à l’éclairage architectural ou scénique. Ce sont encore des niches. Regardez la splendide vidéo du son et lumière de l’Empire State Building synchronisé en live sur la chanson d’Alicia Keys.

Historiquement, l’éclairage blanc est associé à l’éclairage fonctionnel. La performance est mesurée en flux et en efficacité lumineuse. La pression sur le coût du produit est importante. Lire à ce sujet l’article de LUX Review en anglais « Lighting business getting ugly says top analyst » paru en mars 2016.

Les questions que nous présentons ici sont :

  • Ces deux mondes peuvent-ils se rejoindre ?
  • En d’autre termes, y-a-t-il un bénéfice à utiliser de la couleur dans des luminaires fonctionnels ?
  • Qu’est ce que cela implique ?
  • Quel bénéfice additionnel peut-on en tirer ?

Différences entre éclairage blanc et en couleurs

Selon l’application, un système de blanc statique permet une couleur spécifique. Il a l’avantage de pouvoir être fortement optimisé, avec un nombre de LEDs optimal et une source lumineuse d’architecture simple.

Un système multi-couleurs permet d’obtenir :

  • une couleur variable,
  • plusieurs blancs,
  • des fonctions de gradation vers le blanc chaud, comme l’effet d’une lampe à incandescence, en anglais « Dim to warm »,
  • un blanc variable, « tunable white » en anglais,
  • tout un choix dans l’espace colorimétrique selon les couleurs des LEDs composant le système. C’est le gamut.
Exemple de Gamut (zone colorée) accessible en lumière trichromique. La zone grise ne l'est pas - CIE xy 1931 RVB Gamut © Hankwang, English Wikipedia
Exemple de Gamut (zone colorée) accessible en lumière tri-chromique. La zone grise ne l’est pas – CIE xy 1931 RVB Gamut © Hankwang, English Wikipédia

La différence principale de fond entre les deux systèmes est la complexité et donc le coût, mais surtout la présence ou non d’une LED rouge (ou ambre).

Matériaux de la source LED, AllnGaP ou InGaN, et couleur de la lumière © photo puce rouge et verte, Luxeon, Lumileds – Illustration Vincent Laganier

LED rouge, un truc en plus ?

La LED rouge est en général composée d’un autre matériau que les LEDs blanches, bleues et vertes, l’AlInGaP. Sans entrer dans les détails, voici le graphique de comparaison du flux lumineux entre deux LEDs à boitier identique avec une puce InGaN (bleue, avec phosphore) et une puce AlInGaP.

On voit clairement que la forte dépréciation en température rend complexe la mise en œuvre de cette LED rouge. Dans une application, elle va faire fortement varier le point de couleur si la température du luminaire ou la température ambiante change. On doit alors ajouter des capteurs thermiques, une électronique de contrôle et de compensation.

Les LEDs rouges (et ambre) en AlInGaP ont une dépréciation thermique forte - Comparaison du flux lumineux entre deux LEDs avec une puce InGaN et une puce AlInGaP © Benoit Bataillou
Les LEDs rouges (et ambre) en AlInGaP ont une dépréciation thermique forte – Graphique de comparaison du flux lumineux entre deux LEDs avec une puce InGaN et une puce AlInGaP © Benoît Bataillou

En bref, la LED rouge est souvent un point complexe à prendre en compte. Une LED au phosphore rouge n’est pas encore disponible, mais pourrait le devenir. Elle simplifierait grandement la gestion de ce canal.

Architecture de produit et la couleur

Maintenant, comparons deux architectures : un blanc statique avec un luminaire multicanal.

Différences fondamentales entre une architecture standard (gauche) et une architecture multicanal (droite) © Benoit Bataillou
Différences fondamentales entre une architecture standard (gauche) et une architecture multicanal (droite) © Benoît Bataillou

Faisons l’hypothèse que le nombre de LEDs est identique au total dans les deux systèmes.

En plus d’une électronique de contrôle, le luminaire multicanal comprend donc des capteurs. La différence de complexité est donc flagrante. C’est la principale raison pour laquelle ces deux types de systèmes sont « des mondes à part » avec peu de luminaires proposant les deux versions. Soit on fabriquera du fonctionnel, soit de l’éclairage coloré.

Toutefois, si les capteurs et le dispositif de contrôle atteignent un coût négligeable, voir acceptable, il y a clairement une opportunité car l’ensemble de ces fonctions deviennent accessibles. La compensation de la couleur due à la LED rouge devient également possible, en plus des fonctions colorimétriques classiques comme le choix du point de couleur…

Une analyse rapide via un moteur de recherche me donne des coûts entre 2 et 8 euros pour le microcontrôleur, et quelques dizaines de centimes pour le reste de l’électronique (ceci à l’unité via un marchand en ligne). On imagine que ces coûts peuvent s’écrouler en cas de volume de production important. Donc, nous ne sommes pas loin de ce point de rupture peut-être dans le monde du luminaire.

Que faut-il alors au marché de la LED ?

Une installation d’éclairage est un petit écosystème. Elle comporte de nombreux luminaires de forme et de performance différentes. L’ajout de ces fonctions doit se faire sur des gammes entières, voire de plusieurs fournisseurs différents. Mais le besoin de standardisation se fait déjà sentir car le risque d’une multiplication des protocoles et une confusion, déjà présente pour l’utilisateur, seraient déplorables pour ce bel avenir.

Ensuite, il faut une opportunité de marché, c’est-à-dire, que le coût des luminaires LEDs continue de baisser pour que le surcoût des dispositifs additionnels soit acceptable, voire transparent pour le client.

Des initiatives de type Zhaga sont intéressantes. Pour harmoniser le monde de l’éclairage coloré, elles devront aller des algorithmes aux types de puces de contrôle, les moyens de pilotage, comme des drivers multicanaux, jusqu’à l’électronique de « dispatch » du courant qui doit être pilotable par canal.

Et enfin, une prise de conscience du marché que ces fonctions ne sont pas forcément « chères » en soi mais attendent simplement que le marché pose la question.

Opportunités pour la prescription

Les opportunités sont alors multiples. L’électronique embarquée permet de faire entrer le monde du software et du code dans le luminaire. En effet, la présence de l’électronique et d’un microcontrôleur ouvre les fonctions suivantes pour le matériel d’éclairage (liste non exhaustive) :

  • couleur variable,
  • blanc variable,
  • optimisation circadienne,
  • optimisation spectrale
  • éclairages spécifiques,
  • optimisation de l’IRCI, du Ga, des Rf, Rg,
  • communication type Li-Fi.

Qu’existe-il sur la lumière LED à la demande ?

Comme souvent, certains fabricants sont déjà sur le sujet. Philips propose sa gamme de lampes Hue pilotables via son téléphone portable. Acuity Brands Lighting propose même, en anglais dans le texte « turn dynamic lighting into mainstream », en français « transformer l’éclairage dynamique en standard ». C’est exactement le sujet de ce billet : faire entrer l’ensemble de ces fonctions dans une gamme de produits « standard ».

Plus proche de nous, on voit en Europe un fort développement de la communication lumineuse Li-Fi. Suivez Light ZOOM Lumière pour lire bientôt un article à paraitre.

Conclusion

Comme souvent, un point bloquant d’une technologie est résolu par une autre. C’est le coût des dispositifs de contrôle de LED qui conditionnera l’entrée massive de luminaires ou l’on pourra choisir son spectre optique, permettra de la communication entre luminaires ou le Li-Fi.

On réglera également quelques débats importants comme l’influence circadienne de la lumière. Ces fonctions sont pratiquement impossibles à réaliser avec une autre technologie que la LED. Elle n’est plus du tout un « relamping » classique en éclairage mais elle apporte un vrai plus.

Donc oui, il y a un bénéfice à rejoindre ces deux mondes, lumière blanche et lumière colorée. C’est d’ores et déjà possible techniquement, et presque économiquement.

D’un point de vue du développement de l’industrie de l’éclairage LED, j’y vois personnellement aussi un moyen de monter le niveau technique et les fonctions des produits. Une manière de résister à la vague d’éclairage « low cost, low tech, low quality » qui tend à polluer le marché et l’image de la technologie LED.

Approfondir le sujet

Illustration en tête de billet : Light+Building 2016 – Eclairage de votre vie, nuit et jour – Variation des températures de couleur et du soleil sur l’horizon © Zumtobel

Physicien de formation, Benoit Bataillou est membre de la société de conseil en R&D Pi Lighting, avec une forte compétence LED. Auteur ou co-auteur de 30 brevets et de plus de 50 publications, c’est un expert dans le domaine des LED et de l’automatisation depuis 2006. Sa passion : transformer les idées en produits et en applications concrètes.
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